Changer de cap

Les acquis de la Mutualité ouvrière  pour reconstruire une véritable Sécurité Sociale

Dolorès Meunier, Union des mutuelles du Vaucluse : Alors que l’instauration de la Sécurité sociale en 1945 a représenté une étape décisive dans la conquête de la sécurité pour tous, les réformes annoncées signifient sa transformation au service de la finance et au détriment des travailleurs. Cette possibilité a été préparée par des confusions et des abandons auxquels bien peu de Mutualités ouvrières ont pu résister. La reconquête d’une sécurité sociale pour tous est un élément majeur du changement de système, indissociable d’une meilleure répartition des richesses, d’une véritable politique écologique, du retour de la démocratie. Les acquis des Mutualités ouvrières, notamment en matière de santé, de prévention, d’organisation sanitaire, de soins à domicile essentiels pour concevoir cette reconstruction.

Historique

La Mutualité Ouvrière prend sa source dans le compagnonnage, c’est-à-dire la mise en commun du savoir professionnel des anciens sur les divers chantiers. C’est la période où se constituent des professions d’ouvriers, de techniciens qui vont construire, travailler la pierre, le fer, le bois…pour bâtir des maisons, des monuments, des cathédrales, des ponts. Ils vont protéger les villes par des remparts, les embellir par des monuments, des statues… Au XVIIIe siècle, l’industrie se développe. Dans les mines, les forges, la vie des ouvriers est rude. Les accidents du travail, les explosions au fond des mines, sur les chantiers sont fréquentes. Les conditions de vie dans les villes sont très insalubres. Le peuple vit en grande misère mais il s’organise.

Création et développement des Caisses de secours mutuel Le monde ouvrier s’organise. Les ouvriers du Livre créent les premières Caisses de secours mutuel (mettre en commun une part de son salaire afin d’aider ceux qui sont sans travail, ou malades.). Les sociétés philanthropiques laïcisent la charité dans les villes. Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, les caisses de secours mutuel se développent, comme une entraide et une auto-organisation des travailleurs et des habitants des villes face à la misère sociale. Cela va de pair avec le développement des associations, des clubs politiques, héritages de la Révolution, des syndicats par lesquels le monde ouvrier commence à organiser sa défense.

Napoléon III crée la mutualité officielle. Napoléon III et les patrons néolibéraux remplacent la reconnaissance des droits par la charité. Ils répriment toute forme de regroupement et d’associations en donnant une application effective à la Loi Le Chapelier de 1790 (interdiction de se réunir à plus de trois personnes). Ils créent la mutualité officielle qu’il donne en gestion aux dirigeants des villes. Mais cela n’empêche pas les conflits violents. Leur multiplication contraint les gouvernements à reconnaître les coopératives, le syndicalisme, les mutuelles et les associations. La fin du XIXème siècle constitue une période de réflexion, d’organisation et de renforcement pour le mouvement ouvrier en France et en Europe. Le Syndicalisme qui va défendre les conditions des ouvriers au travail, les revenus. 1895 Création de la Confédération Générale du Travail.

La création de la Sécurité Sociale en 1945 et ses dérives

A la fin de la guerre de 39-45, le Conseil National de la Résistance décide de garantir au peuple, qui vient de souffrir toutes les horreurs possibles, les meilleures conditions de vie pour tous en créant la Sécurité sociale.

Un dispositif complet de sécurité sociale est mis en place, qui assure à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion une gestion paritaire par les intéressés.

Dès le départ des confusions. Cependant, dès la mise en place de la sécurité sociale la confusion se créé. Les Mutuelles de Travailleurs soutiennent, participent à l’organisation de la sécurite sociale. Mais les mutuelles de la fonction publique en refusent le principe, conservent leur organisation, obtiennent des fonds de réserve et règlent les dépenses sur des bases différentes du régime général. Une faille est ainsi créée.

Par ailleurs, année après année, le Conseil d’Administration de la Sécurité Sociale s’élargit de plus en plus à des représentants des l’État et de la finance, c’est-à-dire des organismes qui ne sont ni ni des représentants des ouvriers, ni directement des employeurs.

La perte d’identité de la Mutualité ouvrière. En même temps, la mutualité ouvrière se fond dans la mutualité française du fait de plusieurs votes de ses Fédérations qui se soldent par l’intégration de la Fédération ouvrière dans la FNMF.

Deux facteurs leur sont contraires : les fermetures d’usines, le comportement du syndicalisme qui emboîte peu à peu a emboité le pas à la FNMF (peut-être il l’a précédé ?)

Plus de coordination nationale. En 2000, au moment du vote sur l’intégration dans la FNMF, les Mutualités ouvrières représentaient plus du tiers des départements. Aujourd’hui elle n’ont plus de coordination nationale. Il reste ici ou là quelques mutuelles ouvrières mais qui n’ont plus les moyens de se reconnaitre, de se rassembler sur le plan national.

En 2005 l’UNGMS (Union nationale des groupements mutualistes solidaires), que nous avons créée en refusant l’intégration dans la FNMF, n’a pas résisté aux années et aux coups de boutoirs incessants que nous recevions, ou recevons encore. Il faut des forces militantes pour résister (force mutualiste ou force syndicale). Nous n’avons pu garder de structure nationale, mais si un travail était entrepris nationalement sur les valeurs de 45, nous sommes persuadés que cela serait possible.

L’union des mutuelles du Vaucluse. Dans le Vaucluse, nous avons une mutuelle (complément Sécurité Sociale, et une Union d’œuvres sanitaires et sociales, qui rendent l’accès aux soins possibles).Les coups de boutoir existent toujours (ce n’est pas un fleuve tranquille de défendre un patrimoine appartenant à a classe ouvrière tout en refusant qu’il serve à autre chose que l’accès aux soins et en préservant les valeurs humanistes de partage, valables de tout temps).

La fin de la sécurité sociale

En 2018, la création du groupe financier VYV confirme la privatisation de la mutualité. Dans une logique financière, ce groupe reprend l’activité de la FNMF transformant les assurés aux clients et l’offre de soins en services , et en confondant l’assurance, la santé, de la prévoyance, l’épargne-retraite, la dépendance, la protection financière et l’assurance de biens (https://www.groupe-vyv.fr/tenir-la-promesse-mutaliste/ ) . Le sigle VYV figure désormais sur les documents de la FNMF.

Le Gouvernement de Monsieur MACRON annonce le remplacement des cotisations salariales par l’impôt, ce qui indique bien la suite. La Sécurité Sociale est en passe de disparaître, pour le plus grand bénéfice du monde financier. Si rien n’est fait, la Sécurité sociale de 1945 aura vécu à peine plus de 70 ans.

Reconstruire la sécurité sociale en s’appuyant sur les acquis de la mutualité ouvrière

Pour la reconstruire il faudra :

– un peuple solidaire et acteur

– Un gouvernement dont la composition sera majoritairement humaniste

– Une meilleure répartition des richesses

– Une véritable politique écologique

Il s’agit de faire émerger, par département, des mutuelles ou unions départementales gérant des œuvres sanitaires ou sociales qui existent encore et qui n’ont pas adhéré à la FNMF, avec des mutuelles aujourd’hui prêtes à reprendre les fondamentaux des Mutuelles ouvrières.

Les principes de la Mutualité des Travailleurs (à son origine) peuvent accompagner une reconstruction de ce type. Les responsabilités doivent être bien déterminées, aucune des parties ne doit imposer sa volonté aux autres. Les mutualités de travailleurs à un savoir- faire dans cet esprit en matière de santé, de prévention, d’organisation sanitaire, de soins à domicile. Mais il est essentiel d’être clair sur les principes et sur les rôles de chacun. Ceci est en lien avec le retour de la démocratie dans l’économie sociale, le syndicalisme et dans les partis politiques. Une réflexion d’ensemble est donc nécessaire, dans laquelle nous sommes prêts à nous inscrire.

Pour notre part, nous restons fidèles au combat de 1945, fidèles à la Sécurité Sociale, prêts à reprendre l’action avec tous ceux qui veulent la faire renaître. Sans cela quel sera l’avenir de nos enfants ? Les politiques nationales sont graves. Il est nécessaire qu’un rassemblement se reconstruise sur les bases humanistes de 45. 

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