Dématérialisation et contrôles discriminatoires :
"Nous demandons le démantèlement des pratiques illégales des CAF"
Le collectif Changer de Cap a initié un appel par le biais d’une tribune publiée le 5 avril 2022 par Basta!
Cet appel peut être signé par tous. Vous pouvez également le télécharger au format PDF.
La numérisation à marche forcée des services publics contribue à faire des Caisses d’Allocations Familiales (CAF) un instrument de la mise en place d’une société de surveillance et de pénalisation des plus pauvres. Alors que la protection sociale est un droit universel depuis le Conseil national de la Résistance, les CAF développent une politique de plus en plus dure de contrôle des personnes en situation de précarité.
Tous fichés…
Plus de 1 000 données par personne sont collectées pour 13 millions de foyers[1], grâce à l’interconnexion de dizaines de fichiers administratifs (impôts, éducation, police, justice…) Les contrôleurs ont en outre le pouvoir de consulter nos comptes bancaires, nos factures de téléphone et d’énergie… Toutes ces données sont traitées à notre insu.
Chaque allocataire fait l’objet d’un profilage établi par un logiciel, mais selon des variables définies par des décisions humaines. Des algorithmes déterminent des « scores de risque » de fraude, qui débouchent sur un véritable harcèlement des personnes en difficulté. Sont qualifiés de « risque » les variations de revenus, les situations familiales atypiques, la naissance hors de France… Il en résulte un ciblage des contrôles sur les personnes précaires, handicapées ou vulnérables.
Plus de 32 millions de contrôles automatisés ont été réalisés par les CAF en 2020. Les témoignages collectés confirment la concentration de ces contrôles sur les femmes seules avec enfants, les chômeurs, des personnes handicapées, d’origine étrangère….
Des contrôles indignes et illégaux
Les méthodes de contrôle sont tout aussi inacceptables. La plupart de ces contrôles sont déclenchés automatiquement, sans en informer les allocataires et parfois sans notification, ce qui est contraire à la loi. Juridiquement la fraude doit être intentionnelle, mais ici les incompréhensions, les difficultés face au numérique, les erreurs, y compris celles des CAF, sont assimilées à de la fraude[2].
Les procès-verbaux sont remplacés au mieux par des notifications sommaires, qui ne précisent ni les modalités de calcul de l’indu, ni les délais de réponse, ni les voies de recours. Dans de nombreux cas, les allocations sont suspendues pendant toute la durée du contrôle, sans respect du reste à vivre légalement imposé à tous les créanciers. Les contrôleurs sont pourtant dotés de larges pouvoirs juridiques et d’investigation, mais le calcul de leur prime d’intéressement dépend du montant des indus frauduleux détectés.
Ces dérives sont amplifiées par la désorganisation des CAF, suite à la numérisation et aux réductions d’effectifs. Les allocataires connaissent de nombreux retards, des erreurs, des versements à tort, des absences de réponses, l’impossibilité de trouver un interlocuteur. On imagine le mal-être et la dégradation des conditions de travail des agents soucieux de défendre un service public humain.
Les conséquences de telles orientations sont dévastatrices sur le plan social. La Fondation Abbé Pierre montre comment des familles ont été expulsées suite à des recouvrements qui ne tenaient pas compte du reste à vivre[3]. Rappelons que 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, que 12 % des Français souffrent de difficultés psychiques. L’action présente de la CAF y contribue, comme le montrent les témoignages recueillis.
Une police et une justice parallèles
Ainsi, à la faveur de la numérisation, une police et une justice numérique parallèles se mettent en place, insensibles à des situations humaines parfois dramatiques. Ces pratiques ne respectent pas les principes fondamentaux du droit, et sont entachées d’illégalité[4]. Elles découlent de la convention d’objectifs et de gestion 2018-2022 de la CNAF qui assimile les CAF à des entreprises et considère les prestations sociales comme des coûts à réduire. Tout en pratiquant en permanence le double langage, le pouvoir politique considère toujours « qu’on met un pognon de dingue dans des minima sociaux ».
Transparence, légalité, solidarité
On ne peut que s’inquiéter de l’intention de l’actuel président, s’il est réélu, de généraliser le versement automatique des aides sociales. S’il s’agit d’étendre ce type de pratiques, ce projet de maltraitance institutionnelle est inacceptable et monstrueux.
*
C’est pourquoi nous demandons le démantèlement des pratiques illégales qui se sont développées, l’instauration de sanctions contre ceux qui les ordonnent délibérément et un retour aux missions fondatrices de la Sécurité sociale et des services publics, dans une logique de confiance et de solidarité.
Toute la transparence doit être faite sur la récolte et le traitement des données personnelles des allocataires par la CAF, ainsi que sur le rôle des logiciels et des algorithmes dans la prise de décision.
Il est indispensable de remettre les humains au cœur du service public, tout particulièrement dans les CAF, et de faire du numérique un outil pour rendre effectif l’accès de chacun à ses droits sociaux, tout en respectant son intimité.
[1] Vincent Dubois, Contrôler les assistés, Raisons d’agir, 2020, p. 257.
[2] Comme le soulignait le Défenseur des Droite dès 20217 : lutte contre la fraude aux prestations sociales : à quel prix pour les usagers ? Voir ici
[3] Fondation Abbé Pierre, 2020, Prestations sociales de la CAF et logement. Enquête sur les freins rencontrés 2020. Voir ici
[4] Cabinet DBKM. Incompatibilité des mesures nationales de lutte contre la fraude aux prestations sociales avec le Pacte des droits civils et politiques. Rapport au comité des droits de l’homme des Nations unies (voir ici)
Signez cet appel de Changer de Cap
(Les associations / organisations signataires peuvent simplement inscrire X et X dans les champs nom et prénom)
Les 130 premiers signataires
Isabelle MAURER, Archipel des sans voix, allocataire multi-controlée
Mohammad AKBAR, Association Justice insertion droits
Isabelle MILLEQUANT-SURR, allocataire multicontrôlée
Jean-Claude AMARA, Droits Devant
Farida AMRANI, syndicaliste CGT
Hichem ATKOUCHE, SUD Commerces et Services IDF
Etienne ADAM, syndicaliste, Ensemble
Advocacy-France
Alima AROUALI, cinéaste
Geneviève AZAM, économiste (Université Jean Jaurès, Toulouse), essayiste.
Nadine BECRET, Les Caves à Musiques Tergnier
Miguel BENASAYAG, philosophe, Collectif Malgré TOUT
Maxime BENATOUIL, professeur en sciences sociales
Yael B. , Allocataire contrôlée
Christian BENEDETTI, metteur en scène
Claude BERNHARDT, metteur en scène
Julien BLAINE, auteur
Françoise BLOCH, socio-anthropologue
Bernard BLOCH, comédien, metteur en scène
Jean-Claude BOUAL, syndicaliste et militant associatif
Fathi BOUAROUA, AprèsM Marseille, ex dir.régional Fondation Abbé Pierre en PACA
Martine BOUDET, didacticienne, conseil scientifique d’Attac France
Paul BOUFFARTIGUE, sociologue CNRS
Alima BOUMEDIENE-THIERY, Avocate, porte parole de Femmes plurielles
Bruno BOUSSAGOL, metteur en scène
Henri BRAUN, avocat au Barreau de Paris
Patricia BROUSSOLLE, citoyenne
Dominique CABRERA, réalisatrice
Bastien CANY, journaliste, Collectif Malgré Tout
Chrystel CAPARROS, photographe
Brigitte CARRAZ, Restaurant solidaire Table de la Fonderie
Hélène CATALAN, intervenante en structure de premier accueil des demandeurs d’asile
Luc CHEVALLIER, SUD-emploi
François CLAVIER, comédien
Collectif “Changer de cap”,
Collectif pour une éthique en travail social,
Alexis CORBIERE, député France insoumise
Enzo CORMAN, écrivain
Michel COUTARD, Collectif de Chômeurs d’Evry et de l’Essonne
Xavier CZAPLA, acteur
Loïc, DAGUZAN, INDECOSA-CGT, ancien co-animateur Collectif Non au fichier Edwige
Florence DEBORD, universitaire
Jacques DECHOZ, ancien inspecteur du travail, militant syndical
Jean-Michel DELARBRE, Comité national LDH, co-fondateur RESF
André DELCROIX, retraité, Attac
Laetitia DOSCH, comédienne
Evelyne DOURILLE-FEER, Attac espace Travail- Santé- Protection sociale et Services publics
Martine DUTOIT, chaire Unesco Formation Professionnelle, construction personnelle, transformations sociales
José ESPINOSA, Gilet jaune
Mark ETC, metteur en scène
Txext ETCHEVERRY, ALDA
Raymonde FERRANDI, psychologue accompagnant des personnes en précarité
Chantal FEUSIER, Ligue des Droits de l’Homme
Fabrice FLIPO, professeur de philosophie sociale et politique
Yves FREMION, écrivain, iconologue
Jacques GAILLOT, Evêque de Partenia
Tito GALLI, écrivain public accompagnant des allocataires controlées
Raquel GARRIDO, éditorialiste, avocate
Dominique GRANGER, Sud Commerces et Services IDF
Marie-Aleth GRARD, présidente d’ATD Quart Monde France
Moni GREGO, auteur
Serge GROSSVAK, directeur de centre social
Habitat-Cité
Lancelot HAMELIN, auteur
Régis HEBETTE, directeur du Théâtre l’Échangeur
Volodia HOUPIN, Collectif “Changer de cap”
Célia IZOARD, auteur et journaliste
Dominique JAULMES, médecin
Laurent KIEM, auteur
Laurent KLAJNBAUM, vice-président de Changer de cap
François KOLTES, auteur
La Quadrature Du Net,
Georges LE BRIS, ATTAC Lozère
Michèle LECLERC-OLIVE, IRIS-CNRS-EHESS
Michèle LEFLON, présidente de la Coordination Nationale des Comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité
Pascal LELONG, AC! Grand-Est
Le Mouton Numérique,
Mathieu LESCURE, informaticien
Patrick LESCURE, graphiste
François LONGERINAS, militant du mouvement coopératif des Scoop et des Scic, éducation populaire
Georges LOUIS, CGT Restauration Musée du Louvre
Pierre-Edouard MAGNAN, délégué Général Mouvement national Chômeurs et précaires (MNCP)
Maison de la Citoyenneté Mondiale Mulhouse
Maison des Chômeurs de Saint-Girons (MAC09)
Philippe MALONE, auteur
Marc MANGENOT, militant associatif
Sébastien MARCHAL, graphiste
Jean-François MARTEL, fondateur de T’OP ! théâtre de l’Opprimé Lille
Malte MARTIN, graphiste
Gus MASSIAH, IPAM (Institut pour un autre monde)
Boris MELLOWS, SUD Culture Solidaires
Odile MERCKLING, AC!, Femmes contre les précarités
Jean-Marc MEYER, SNC ALSACE
Louise MICHEL, Collectif “Changer de cap”
Fatima MIMI, usagère de la CAF
Didier MINOT, Président du Collectif “Changer de cap”
Anne MINOT, accompagnante
Bernadette NANTOIS, accompagnante, APICED
Suzanne NTOLO, usagère de la CAF
Dominique ORSUCCI, Conseillère municipale de Talasani (Haute_Corse)
Pascal PAQUIN, responsable associatif Yonne
Alain PARRAU, universitaire et écrivain
Marie PASCUAL, médecin
Francis PEDUZZI, directeur de la scène nationale de Calais
Willy PELLETIER, sociologue Université de Picardie
Marie-Odile PERRET, syndicaliste CGT
Evelyne PERRIN, Stop précarité, économiste
Rozenn PERROT, ATTAC espace Travail, Santé, Protection sociale et Services Publics
Alice PICARD, porte parole d’ATTAC
Nicole PICQUART, présidente du Comité national des régies de quartier (en attente confirm)
Claude POURCHER, Gilet jaune du Magny, Réseau des 4 frontières (France, Allemagne, Suisse Pays-Bas)
Valérie PRAS, Collectif “Changer de cap”
Serge QUADRUPPANI, auteur, traducteur
Catherine QUENTIER, AC! Paris
Nathalie RAMOS, militante associative en milieu rural
Réseau éducateurs sans frontières Lozère,
Yvonne ROCOMAURE, AC!
Gilles SABATIER, membre du CA d’ATTAC
Bernard SCHRIKE, citoyen
Rene SEIBEL, responsable national AC!
Michel SIMONNOT, écrivain, sociologue
Stop Precarité
Hocine TAFFERRANT, Réseau interassociatif solidaire Mulhouse
Béatrice TARIN, allocataire CAF
Clément TERRASSON, avocat
Alain TREDEZ, président Centre nature du Houtland
Béatrice TURPIN, auteur, universitaire
Hélène VICENTINI, accompagnante d’allocataires CAF, collectif Mirail Toulouse
Philippe VITAL, AC! Tregor
Samuel WAHL, universitaire, auteur
Marc WEINSTEIN, Professeur d’anthropologie littéraire, politique et philosophique -Univ. de Provence
Roger WINTERHALTER, Président Maison de la Citoyenneté Mondiale