Cinq exigences pour une Convention d'objectifs et de gestion responsable
1. Sortir de l’illégalité des pratiques et des contrôles
Détail des propositions
La protection légale des allocataires existe, mais n’est pas appliquée. La circulaire Direction de la Sécurité sociale (DSS) du 23 juin 2010, précisant les modalités de recouvrement des indus de prestations, attire l’attention des CAF sur « le pouvoir exorbitant du droit commun que représente la possibilité de recouvrer des indus par la force. Cela leur impose d’être particulièrement vigilantes sur le respect de la procédure de recouvrement. Le respect des délais et des voies de recours constitue pour le débiteur des garanties procédurales essentielles ». Elles sont également tenues de « tenir compte des situations de précarité, de proposer des plans personnalisés de remboursement et doivent parfois aller jusqu’à s’abstenir de réclamer un indu lors que cela met en danger la personne ou sa famille ».
La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations indiquait déjà que « ces décisions doivent indiquer les voies et délais de recours ouverts à l’assuré, la possibilité de présenter des observations écrites ou orales avant toute récupération de l’indu et la possibilité de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. Pour cela, il est nécessaire que l’allocataire sache avec précision quel comportement lui est exactement reproché, pour quelle prestation, sur la base de quel texte de loi, pour pouvoir se défendre utilement ».
Or les témoignages recueillis et les expériences des associations montrent la généralisation de pratiques contraires à ces dispositions.
Interdire les décisions automatiques et contrôler la légalité des logiciels
Alors que les décisions automatiques sont interdites, les algorithmes sont construits de telle manière que tout changement de ressources, même de 50 ou 100€, tout changement de situation, et même des erreurs de la CAF déclenchent automatiquement un contrôle. La politique de ciblage par datamining et de contrôles automatisés a notamment pour conséquence que des personnes qui ont un « score de risque » élevé peuvent subir plusieurs contrôles successifs à intervalles rapprochés.
Ces contrôles répétés à brefs intervalles constituent une véritable maltraitance et un harcèlement des plus vulnérables, responsables de nombreux basculements dans la détresse psychique.
Clémence, femme seule, handicapée a subi 5 contrôles en 15 mois, avec suspension préventive de l’AAH pour chaque contrôle, suivi de rappel 3 à 6 mois après, d’où une situation de précarité grave et permanente.
Des suspensions de versements automatiques interviennent dès lors que l’algorithme a constaté un écart entre les données collectées et a « décidé » que cela entraînait un indu. Les notifications parviennent parfois à l’allocataire plusieurs mois après la rupture des versements et le début des remboursements. Souvent, les agents eux-mêmes ne sont pas en mesure d’expliquer ces suspensions, n’ayant pas accès aux calculs réalisés pour aboutir au résultat d’indu. Ces suspensions, et leurs conséquences (non-paiement du loyer, frais bancaires…) sont susceptibles de faire basculer des allocataires, y compris des familles, dans la grande pauvreté.
On constate fréquemment une absence totale de notification des décisions. L’intéressé, remarquant l’absence de versements, s’échine à en connaître la cause. Bernadette, accompagnant des allocataires : « Le plus souvent, la personne découvre le non-versement des allocations sur son compte, sans aucune notification. Il n’y a aucune information, ni par écrit, ni par mail, ni par courrier déposé sur les espaces en ligne, ni par SMS ».
Dans le meilleur des cas, la personne mise en cause ne reçoit qu’une notification sommaire générique, non personnalisée, manifestement établie de façon automatique. Celle-ci ne mentionne ni les causes ni les modalités de calcul de l’indu, ni les délais de réponse, ni les voies de recours. Un courrier demande à l’assuré de reconnaître un constat dont il ne connaît pas le détail, quelquefois assorti d’intimidations. Cela rend impossible la construction d’une réponse argumentée. Cette notification sommaire annonce parfois d’emblée une qualification de fraude.
Exemple – « Au travers du contrôle de votre dossier, j’ai pu constater à la lecture de vos relevés de compte bancaire que vos grands-parents vous aidaient régulièrement depuis octobre 2020. Ces sommes n’ont pas été déclarées. Par conséquent je vous informe avoir demandé l’actualisation de vos droits. Du fait de la répétition de ces erreurs et omissions, votre dossier sera automatiquement présenté en commission fraude. Cette dernière statuera sur votre intention frauduleuse ou non ». Une seconde page invite l’allocataire à signer une déclaration où elle indique « avoir pris connaissance des constats du contrôleur assermenté et dire en quoi elle est d’accord ou en désaccord, sachant qu’en cas de désaccord la charge de la preuve vous incombe et (en caractères gras) que la loi rend passible d’amende et ou d’emprisonnement quiconque se rend coupable de fraudes ou de fausses déclarations ». Sur ce cas précis la personne a eu peur et a reconnu « la fraude » avant que nous ayons le temps de lui indiquer les possibilités de recours.
La loi du 24 décembre 2020 sur le financement de la sécurité sociale a donné la possibilité aux CAF de prélever un indu sur l’ensemble des prestations d’un même allocataire. Par exemple, elle peut amputer l’AAH ou l’allocation d’éducation d’un enfant handicapé en cas de litige sur l’APL. Cette loi doit être modifiée pour mettre fin à ces prélèvements sauvages, qui peuvent également se traduire par la suspension de toutes les prestations.
Ces errements résultent des instructions données aux logiciels par la CNAF ou par les prestataires privés qu’elle a mandatés. Les directives gouvernementales ont encouragé ces pratiques au lieu de les interdire, imposant parfois par volontarisme des délais qui interdisaient tout travail de qualité. Rappelons que les donneurs d’ordre sont pénalement responsables des illégalités, et non les ordinateurs ou les sous-traitants.
Propositions
- Interdiction des décisions automatiques établies à partir de simples rapprochements de données, notamment des procès-verbaux, rappels, mises en demeure, suspensions de prestations, instaurant une police et de justice automatisée, qui ne respectent pas les principes fondamentaux du droit (présomption d’innocence, accès au dossier, possibilité de se défendre, délai de recours, égalité des armes).
- Interdiction des remboursements d’indus sur l’ensemble des prestations, en modifiant la loi de 2020.
- Reconfiguration des programmes informatiques pour mettre fin au déclenchement systématique de contrôles et éviter les contrôles à répétition.
- Obligation de fourniture immédiate à tout allocataire mis en cause des données personnelles utilisées et des éléments de calcul de ses droits.
- Instauration d’un contrôle de légalité indépendant afin de rendre effectives ces dispositions, avec sanction en cas de non-respect.
Stopper le datamining tourné vers la traque des pauvres et la maltraitance institutionnelle des plus fragiles
Les progrès foudroyants de la numérisation ont permis la mise en place d’une surveillance généralisée de la population, d’un « contrôle des assistés » et d’une maltraitance institutionnelle des plus fragile. Cette situation est parfaitement décrite par Vincent Dubois dans son livre « Contrôler les assistés – Genèse et usages d’un mot d’ordre » (Raisons d’Agir, 2021).
Un gigantesque fichier a été constitué, regroupant pas moins de 1 000 données par allocataire pour 13 millions de foyers représentant 30 millions de personnes, c’est-à-dire près d’un Français sur deux. Cette accumulation d’informations attire la convoitise de tous les marchands de données, mais n’est pas utilisée aujourd’hui pour garantir l’accès aux droits. Elle sert au contraire à profiler les allocataires et à leur attribuer un « score de risques », afin de cibler les contrôles à travers la collecte et l’exploitation des données (datamining). Les personnes en situation de précarité subissent la majeure partie de ces contrôles, notamment les femmes seules avec enfants, les chômeurs, les handicapés, certaines professions aux revenus fluctuants, les allocataires nés à l’étranger. Les statistiques de « fraude » font alors apparaître une surreprésentation des personnes vulnérables ou en situation de précarité. La suspicion est auto-entretenue.
32,25 millions de contrôles automatisés ont été effectués en 2020, 4 millions de contrôles sur pièces et 106 000 contrôles sur place. Au total, 7,35 millions d’allocataires ont été contrôlés. Cela correspond à peu près au total des bénéficiaires du RSA (1,95 million), de l’AAH (1,22 million) d’allocataires des APL (2,97 millions) et de la prime d’activité (4,43 millions), sachant que certains touchent plusieurs aides.
Cette hypertrophie des contrôles est d’abord un mot d’ordre politique qui ne repose pas sur une réalité : 309 M€ de « fraudes aux prestations » constatées par les CAF en 2021, soit 0,39 % des 80 milliards distribués, chiffres de la Cour des comptes (Certification des comptes du régime général de la sécurité sociale 201, p106). Et ce alors que 20 à 37 % (cent fois plus) des personnes renoncent à demander les aides auxquelles elles ont droit (3 milliards pour le seul RSA).
Le coût des contrôles est peut-être supérieur au montant des fraudes constatées, mais il est rentable aux yeux du ministère de l’Economie et des Finances en termes de limitation du volume des prestations demandées. La maltraitance institutionnelle contribue en effet largement à augmenter le taux de non recours.
Cette obsession des contrôles est également le résultat de la pression d’une partie de l’appareil politique, depuis plusieurs décennies, visant à donner une image négative des droits sociaux, présentés comme des aides dont profiteraient les pauvres, et spécifiquement les étrangers, comme le décrit fort bien Vincent Dubois.
Exigeons la fin des contrôles ciblés par les algorithmes et l’abandon des scores de risques
Mettre fin aux suspensions préventives des prestations en cas de contrôle
Le déclenchement d’un contrôle entraîne dans de nombreux cas une suspension préventive des droits. Cette pratique illégale est liée à des instructions internes émanant de la CNAF, car elle concerne de nombreux départements.
Les témoignages recueillis indiquent que le versement des prestations (Allocation adulte handicapé , RSA, prime d’activité, allocations familiales et APL) peut être suspendu dès le début du contrôle, sans tenir compte du reste à vivre.
Respecter le reste à vivre et la présomption d’innocence
Le maintien d’un reste à vivre est une nécessité impérative, rappelée par de nombreux jugements. Le Code de la Sécurité sociale dispose que « Les retenues mentionnées au premier alinéa ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé. » (L. 552 CSS). Le juge n’a de cesse de rappeler que la caisse créancière doit appliquer un plan de remboursement personnalisé.
Seule la branche famille s’affranchit de cette obligation, en prélevant parfois la totalité des ressources, alors que les articles 553-1 et 553-2 précisent que les retenues mentionnées au premier alinéa ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé, doivent tenir compte de la composition de la famille, de ses ressources, des charges du logement, etc. et ne peuvent pas dépasser :
- 25 % sur la tranche de revenus comprise entre 231€ et 345€;
- 35 % sur la tranche de revenus comprise entre 346€ et 516€;
- 45 % sur la tranche de revenus comprise entre 517€ et 690€;
- 60 % sur la tranche de revenus supérieure à 691€.
Ainsi, il est totalement illégal de laisser une personne sans ressources , même si l’administration est créancière.
Des milliers de personnes basculent dans la grande pauvreté, sont expulsés de leur logement, réduites à la mendicité. La répétition de ces pratiques tant au niveau des sorties informatiques que des contrôleurs montre qu’elles résultent d’une politique délibérée, mais ces instructions internes ne sont pas publiées.
Les pratiques abusives de recouvrement de l’indu doivent être interdites par des instructions claires et publiques de la CNAF.
Propositions
- Nous demandons la continuité du versement des prestations en cas de contrôle et la fin du prélèvement de la totalité des ressources, afin de laisser aux allocataires un reste à vivre.
- Les CAF doivent tenir compte des situations de précarité, et s’abstenir de réclamer un indu lorsque cela met en danger la personne ou sa famille, comme le demande la circulaire DSS du 23 juin 2010.
- De même, en cas d’erreur de la CAF, celle-ci devrait s’abstenir de demander le remboursement du trop-perçu à des familles en situation de précarité, car les sommes précédemment versées ont été immédiatement affectées à des dépenses de nécessité, sans que les allocataires aient les moyens de les rembourser ensuite
Distinguer l'erreur et la fraude, instruire les contrôles à charge et à décharge
La fraude est définie comme « une irrégularité ou omission commise de manière intentionnelle au détriment des finances publiques » (Rapport du Défenseur des droits « Lutte contre la fraude aux prestations sociales : à quel prix pour les droits des usagers », p14), tant en matière fiscale ou douanière que de prestations sociales. Là encore, seules les CAF assimilent à des fraudes les erreurs d’allocataires, par définition non intentionnelles, les incompréhensions d’une réglementation excessivement complexe et même les propres erreurs de l’organisme.
Une claire distinction doit être faite entre l’erreur et la fraude, laquelle se caractérise par son caractère intentionnel. Le droit à l’erreur, rendu effectif par la loi ESSOC, doit se traduire par une possibilité de rectification de ses déclarations passées, de même durée que le délai de forclusion, ce qui entraîne un re-calcul des droits et non une déclaration.
Il faut donc inverser la charge de la preuve, avec l’obligation pour les CAF de démontrer la fraude par d’autres moyens que la seule parole du contrôleur. Des instructions claires doivent être données par la CNAF pour s’aligner sur les définitions fiscales légales et changer l’état d’esprit des contrôles, en prenant en compte le droit à l’erreur et les difficultés d’interprétation ou de compréhension des textes.
En finir avec la politique du chiffre et réorienter les contrôles vers l'accès aux droits
La circulaire DSS du 23 juin 2010, précisant les modalités de recouvrement des indus de prestations, attire l’attention des CAF sur « le pouvoir exorbitant du droit commun que représente la possibilité de recouvrer des indus par la force. Cela leur impose d’être particulièrement vigilantes sur le respect de la procédure de recouvrement. Le respect des délais et des voies de recours constitue pour le débiteur des garanties procédurales essentielles ».
Or une politique du chiffre a été instaurée par les Conventions d’objectifs et de gestion, signées entre la CNAF et ses ministères de tutelle (Affaires sociales et Budget). La COG 2018-2022 impose « la constatation d’un montant croissant de constat de fraudes, de 300 millions d’euros en 2018 à 380 millions d’euros en 2022 ». Comme le constate le Défenseur des Droits dans le rapport précité, « de tels objectifs sont de nature à inciter les organismes à qualifier d’actes frauduleux ce qui relève de l’erreur ou de l’oubli non intentionnel, et travailler à charge et non à décharge ». Cette procédure d’intéressement aux résultats a été progressivement étendues à différentes catégories d’agents des CAF, comme l’attestent les avenants successifs à l’accord relatif à l’intéressement dans la branche famille.
Les contrôles doivent respecter le principe du contradictoire, qui conditionne la légalité des sanctions administratives. La CAF doit fournir systématiquement, par écrit dans un premier temps les motifs, la nature, les modalités de calcul et le montant des sommes réclamées, de même que les dates des versements demandés, les délais de réponse aux observations, les voies et les délais de recours. L’intéressé doit avoir ensuite la possibilité de formuler des observations avant toute décision, avec un délai suffisant pour le faire.
Les précisions mentionnées plus haut doivent être rappelées dans la notification après réponse, sous peine de nullité. Or, on observe qu’un courrier visiblement automatique, peut annoncer un montant d’indu et des conditions de remboursement sans aucune explication, l’inscription de la personne comme « fraudeuse » et une demande de reconnaissance de culpabilité ne laissant aucun délai de contestation ou de recours à cette personne.
Un coup d’arrêt doit être mis aux multiples pratiques abusives de contrôles qui se sont développées
L’habitat partagé pour raisons financières ne peut être assimilé à un concubinage ; les visites inopinées doivent être limitées aux cas où la nature du contrôle l’exige, et dans ce cas l’absence de l’allocataire (parfaitement légale) ne peut être assimilée à un refus de contrôle. Les messages anxiogènes d’intimidation, voire de menaces, doivent faire place à des messages de confiance et d’incitation dans l’esprit de la loi ESSOC. La direction de la CNAF doit être garante de ce changement d’état d’esprit.
De nombreux aspects du contrôle à domicile s’apparentent à des méthodes d’enquêtes policières, au même titre qu’un inspecteur de police constatant une infraction en « flagrant délit ». Le contrôleur étant assermenté, ses affirmations font foi, et sa parole du contrôleur est la seule prise en compte, d’abord au niveau de la CAF et de la Commission de recours amiable, puis devant les juridictions.
Mettre fin à la quasi-impossibilité d'obtenir justice
L’égalité des armes est l’un des fondements d’une justice équitable. Or, celle-ci est loin d’être assurée :
En cas de litige, face à un contrôle, l’allocataire incriminé doit disposer des bases suffisantes pour élaborer son dossier de défense. Dans la pratique, l’accès à ses données personnelles, aux calculs réalisés et à l’ensemble de son dossier est impossible dans le délai de deux mois accordé pour déposer un recours. Une première demande de ces éléments auprès du directeur de la CAF reste généralement lettre morte, et ce n’est que dans un deuxième temps que l’allocataire peut faire une demande de communication auprès de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs). Dans le pire des cas, il doit saisir le tribunal administratif, sous une forme bien précise qui nécessite un appui.
L’effacement de données de l’espace personnel de l’allocataire doit être un motif d’annulation de la procédure de recouvrement. Certains courriers, documents et messages nécessaires à l’instruction ne sont en effet disponibles que sur le compte individualisé de l’allocataire. Or ces messages sont effacés par l’administration dans des délais variables, de 6 à 36 mois, ce qui pose un problème de destruction de preuves.
La plupart des allocataires n’ont pas les moyens faire appel à un avocat spécialisé. L’aide juridictionnelle existe, mais il faut au mieux 3 ou 4 mois pour l’obtenir. La personne doit démontrer qu’elle ne dispose pas d’une assistance juridique, via ses assurances, et qu’elle a moins de 10 000 euros de revenu annuel. Ces obstacles franchis, il est compliqué de trouver un avocat spécialisé, notamment pour les contentieux qui relèvent du Pôle social du tribunal judiciaire où se concentrent la majorité des contentieux sociaux.
Les tribunaux judiciaires et administratifs, surchargés, expédient beaucoup de dossiers à la va-vite, dans le cadre de procédures orales, car la réglementation est très complexe pour des montants souvent modérés par rapport à ceux d’autres affaires.
Pour une mission d’évaluation
Du fait de cette quasi-impossibilité d’obtenir justice, une grande majorité d’allocataires renoncent à se défendre, mais nourrissent un fort sentiment d’injustice. Nous demandons une mission d’évaluation de ces situations de non-droit pour mettre à plat les multiples obstacles rencontrés par les allocataires pour demander justice, y compris les dysfonctionnements des tribunaux administratifs et des pôles sociaux des tribunaux judiciaires, afin de réfléchir à la possibilité d’une réforme du système.
Modifier l'état d'esprit de certains services contentieux, revenir à la bienveillance antérieure
Il est également nécessaire de modifier l’état d’esprit des services contentieux de certaines CAF, qui multiplient les obstacles à la justice et les manœuvres de procédure. Quelques exemples, illustrés par des témoignages : versement d’un rappel trois jours avant l’audience avec pression pour que les personnes se désistent, sans pour autant rétablir les droits, annonce à l’audience d’un nouveau contrôle justifiant un report, etc. De plus, devant le juge, il est rare que les CAF accompagnent leurs assertions par des preuves réelles et tangibles (courriers recommandés…). La parole du contrôleur assermenté prévaut sur celle du justiciable, qui souvent ne dispose pas des moyens d’étayer ses dires du fait de l’absence de notification des décisions et d’accès à ses propres données et documents.
L’égalité des armes exige un renoncement à ces artifices de procédures. L’objectif des CAF ne doit plus être de gagner, mais d’établir la vérité en respectant les allocataires.
Nous demandons le retour à l’esprit de la circulaire DSS du 23 juin 2010 .qui recommande de « ne pas faire appel à un huissier pour les personnes en situation de grande précarité bénéficiaires des minima sociaux », et « d’examiner la capacité financière du débiteur et lui proposer, le cas échéant, un échéancier de paiement, ou une remise de dette ».
La responsabilité des CAF et du pouvoir politique face à un vaste espace de non-droit
Ces multiples errements sont contraires aux droits fondamentaux et au Pacte des droits civils et politiques de l’ONU, comme le souligne le rapport du cabinet DBKM à la Commission des droits de l’Homme de l’ONU. Mais ils sont également contraires à l’éthique et aux principes fondateurs de la Sécurité sociale et de la République.
Ces ruptures constituent l’une des principales causes de basculement dans la grande pauvreté, comme le déplore la Fondation Abbé Pierre dans une étude très argumentée de 2020 : « Prestations sociales de la CAF et logement – Enquête nationale sur les freins rencontrés par les personnes et les structures associatives qui les accompagnent ».
Avec l’interruption de leurs allocations, certaines personnes se retrouvent expulsées de leur logement, interdites bancaires, en situation d’angoisse ou de détresse psychique, dans l’impossibilité d’assurer l’éducation des enfants et parfois leurs repas.
Les conseils d’administration de la CNAF et des CAF, tout autant que le pouvoir politique, ne peuvent pas se sentir irresponsables de ces conséquences dramatiques pour les familles. En effet il ne s’agit pas de faits isolés, mais de dérives systémiques, institutionnelles, résultant des décisions de la tutelle, des orientations de la précédente Convention d’Objectifs et de Gestion et des décisions de la direction générale de la CNAF.