Changer de cap

Octobre 2019

Portée et limites des budgets participatifs[1]

 Gwénaël Doré gwenael.dore(at)yahoo.fr

Après une timide adoption en France au cours des années 2000, l’expérience du budget participatif, lancée à Porto Alegre (Brésil), connait un regain d’intérêt en France depuis 2014, avec plus de 80 communes impliquées. La taille des communes est très variable : de 3200 habitants à 2,2 millions. L’appartenance politique se diversifie : au début apanage de communes de gauche, il est en train d’être repris par des communes de droite. La participation reste en revanche faible et les budgets en jeu sont bas, de l’ordre souvent de 1% à 2% du budget d’investissement de la commune (en dehors de 5% à Paris ou à Rennes). Les projets financés portent en premier lieu sur l’amélioration du cadre de vie.

Parmi les limites de ces expériences, apparaissent la faible implication des classes populaires, l’insuffisance d’investissements dans les moyens humains, le risque d’une compétition malsaine entre associations. De plus, dans la plupart des collectivités, les budgets participatifs ne concernent qu’une partie minime du budget de la collectivité. Le champ est souvent limité au cadre de vie et s’attaque rarement aux inégalités sociales, et la nécessité aujourd’hui d’intégrer les intercommunalités détentrices désormais de compétences techniques précédemment exercées par les communes.

Le budget participatif peut constituter cependant  un outil potentiel de démocratie directe s’il accompagne une politique de justice sociale, de transition écologique et de démocratie renouvelée, et s’il concerne une partie déterminante du budget d’investissement et de fonctionnement de la commune ou de l’intercommunalité.Il accompagne le changement politique mais ne saurait le remplacer.

  1. Historique. 2
  2. La mise en place en France. 2

2.1.       La progression. 2

2.2.       La taille des communes engagées. 3

2.3.       L’appartenance politique. 5

  1. Modalités de la participation et de la décision. 5

3.1.       La participation dans les budgets participatifs. 5

3.2.       Les outils de la décision. 5

3.3.       Plus de la moitié des communes ont adopté les civic tech. 5

3.4.       Budget participatif horizontal et budget participatif vertical 6

  1. Montants et projets. 6

4.1.       Des montants alloués aux budgets participatifs souvent faibles. 6

4.2.       Les projets financés. 7

  1. Problèmes et difficultés. 7

5.1.       L’absence des classes populaires. 7

5.2.       La nécessité d’investir dans les moyens humains. 8

5.3.       Le risque d’une compétition malsaine entre associations. 8

5.4.       Une portion mineure du budget 8

5.5.       La nécessité d’intégrer le cadre intercommunal 8

 

1.     Historique

La ville de Porto Alegre, au Brésil, a été la première (1989) à associer les citoyens aux décisions budgétaires, avec une participation importante : plusieurs dizaines de milliers d’habitants chaque année se sont investis dans des assemblées locales pour formuler des propositions, avec des effets en termes de redistribution des richesses, notamment à destination des quartiers les plus populaires de la ville : par exemple, initiatives sur l’accès à l’eau potable dans plusieurs quartiers, développement de réseaux de transports en commun, cours d’alphabétisation…           

L’idée s’est ensuite propagée à travers le Brésil, puis dans toute l’Amérique latine, avant de séduire des villes d’Asie (notamment Chengdu, en Chine), d’Afrique et d’Europe. Chengdu, capitale de la province du Sichuan, dans le centre ouest de la Chine, disposait d’un budget annuel de 270 millions d’euros pour 2014. La municipalité attribue un montant par an à chaque village de la province, en fonction de sa taille et de ses besoins. Six millions de citoyens ont pris part aux décisions locales depuis 2009, d’après l’association Resolis. Un rapport de l’ONG allemande Engagement Global publié en 2014 estimait que 1 269 à 2 778 villes dans le monde disposaient d’un budget participatif, avec des formes variées. De nombreux pays ont adopté par une loi l’obligation de décider au niveau le budget de manière participative : notamment République Dominicaine, Pérou, Pologne, État du Kerala (Inde).

On peut cerner 5 phases dans l’histoire du budget participatif (Dias, 2013) :

  1. 1989 – 1997 : de l’expérience de Porto Alegre au Brésil et de Montevideo en Uruguay (30 expériences)
  2. 1997 – 2000 : expansion brésilienne (140 villes)
  3. 2000 – 2007 : expansion dans le monde avec le succès des Forums Sociaux Mondiaux (Amérique Latine, Europe)
  4. 2007 – 2010 : développement des réseaux nationaux et internationaux (Brésil, Colombie, Argentine, Espagne, Grande-Bretagne) et vote des premières lois nationales rendant obligatoires les budgets participatifs.
  5. 2010 – 2015 : intégration des budgets participatifs dans des mécanismes de participation plus larges (agenda 21…)

Une typologie des budgets participatifs en Europe peut être dressée, d’après Y. Sintomer (2008), selon 6 idéaux-types :

  • Le modèle de Porto Alegre adapté à l’Europe, co-décision entre les citoyens et le gouvernement (Cordoba, Espagne),
  • La participation des intérêts organisés, selon une logique où la société civile est le principal acteur des négociations (Glasgow),
  • Des fonds locaux à l’échelle municipale, sous forme de fonds d’investissement indépendant de la municipalité, dont les participants en décident les règles et les projets de façon autonome (Bradford, UK),
  • La négociation public / privé, avec une forte influence des acteurs privés dans le cadre de fonds d’investissements (Plock, Pologne).
  • La participation de proximité, souvent consultative, avec peu d’autonomie des citoyens, reliée à des dispositifs déjà existants (France).
  • La consultation sur les finances publiques, afin de rendre transparent les finances de la municipalité, sans objectif de délibération (Allemagne).

2.     La mise en place en France

2.1. La progression

En 2014, la France ne comptait plus que six budgets participatifs, tous antérieurs à 2010. Ainsi la ville de Grigny (Rhône) avait mis en place un budget participatif de 2004 à 2014. En réunions publiques, durant plusieurs heures, parfois plus de cent propositions étaient discutées et soumises au vote37. Jusqu’à environ 25 % de son budget d’investissement a été géré de manière participative (expérience arrêtée en 2014, due au changement de municipalité).

Depuis 2014, le nombre de budgets participatifs augmente d’année en année et il a presque doublé chaque année : fin 2014, une dizaine ; 2015, 17 ; 2016, 26 ; 2017, 46 ; 2018, 80[2]. Les budgets participatifs ont connu ainsi un nouvel essor avec leur déploiement, en 2014, à Paris et Metz, puis, en 2015, à Grenoble, Montreuil ou Rennes. Les grandes villes françaises sont toujours plus nombreuses à s’engager avec en 2018 : Lille, Angers, Le Mans, Brest, Nanterre, Courbevoie. Aux 80 budgets participatifs communaux, quatre autres devaient s’ajouter à la liste d’ici fin 2018 : Nice, Strasbourg, Saint-Denis-de-la-Réunion, Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme).  Les 80 communes déjà engagées rassemblent 6,150 millions de Français, soit près d’un Français sur dix.

Par ailleurs, des départements s’engagent (Gers, Landes, Loiret), et des régions également : Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté, après en 2005, l’expérience des budgets participatifs des lycées dans les anciennes régions de Poitou-Charentes et du Nord-Pas-de-Calais

2.2. La taille des communes engagées

49 budgets participatifs sont l’œuvre de villes de moins de 50 000 habitants. La commune type engagée dans un budget participatif compte 25 800 habitants et se situe dans les Hauts-de-Seine. Douze sont proches de cette population médiane et comptent entre 20 000 et 30 000 habitants. Les autres villes sont d’une grande diversité, par leur taille (Rocheservière en Vendée, 3 220 habitants ; Paris, 2,2 millions) et par leur situation (à taille comparable, ville centre d’un territoire rural ou située dans une aire urbaine).

Figure 1 – Sur 40 communes, taille démographique

[1] Cette analyse des budgets participatifs s’appuie sur un article de d’A. Bézard (2018) et le site qu’il anime : http://lesbudgetsparticipatifs.fr/

[2] Selon l’enquête du site http://lesbudgetsparticipatifs.fr/

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Figure 1 – Sur 40 communes, taille démographique

 

L’Île-de-France est la première région de développement des budgets participatifs : elle regroupe plus du tiers des budgets participatifs (37,5 %, 30 communes). Les départements de la petite couronne en concentrent à eux seuls 24, en comptant Paris. « Cette forte concentration en région parisienne laisse penser que le budget participatif fait tache d’huile, s’étendant de proche en proche » (Bézard, 2018), tâche d’huile également constatée en province. Les Hauts-de-France (8 budgets) et la Nouvelle-Aquitaine (8 budgets) arriveraient en deuxième position ex-aequo, suivis de l’Occitanie (7 budgets), du Grand Est (6 budgets) et de la Bretagne (5 budgets).

 

1.1. L’appartenance politique

 

Selon l’enquête réalisée par A. Bézard (2018), le marqueur politique est en train de s’estomper en France. En 2016, 84 % des villes concernées se classaient à gauche (Parti communiste, Parti socialiste, EELV, Parti radical…), mais elles n’étaient plus que 65,5 % en 2017, le reste étant des villes centristes (UDI ou Modem), de droite ou sans étiquette. En 2018, ce rééquilibrage gauche/droite se poursuit. Les exécutifs à gauche représentent 60 %. L’UDI et le MoDem progressent à 15 % avec 12 budgets, LR à 11,25 % (9 budgets) et les exécutifs divers droite : 11,25 % (9 budgets). Enfin, les exécutifs autres ou sans étiquette ne représentent que 2,5 %, soit 2 budgets.

 

2.     Modalités de la participation et de la décision

 

2.1. La participation dans les budgets participatifs

 

Sur un échantillon déclaratif du nombre de votes restreint à 30 collectivités, la participation médiane s’établit en 2018 à 3,9 % par rapport à la population totale. Ces participations ne correspondent pas toujours à des montants budgétaires élevés. Un fort montant (4 à 4 fois le montant médian) n’est pas la garantie d’une forte participation, comme le montrent les exemples de Firminy (4,07 %), Jarny (4,75 %) ou Grande-Synthe (2,79 %). Cependant, pour ces deux dernières communes, la participation progresse : elle a doublé à Jarny et progressé de presque 75 % à Grande-Synthe. À l’inverse, la participation peut être élevée malgré des montants inférieurs à la médiane, comme à Guichen Pont-Réan (Ille-et-Vilaine, 11,9 %), à Rocheservière (10,9 % de participation en 2017) ou à Marck (Pas-de-Calais) où elle progresse de 40 % en 2018 (5,2 %).

 

2.2. Les outils de la décision

 

Dans un peu plus d’un tiers des cas, vote en ligne et vote papier coexistent : le vote en ligne – toutes technologies confondues – est doublé d’un vote papier dans 35,5 % des cas. 35,5 % collectivités déclarent un vote uniquement en ligne et 22,2 %, uniquement en urne. Le vote papier conserve une symbolique forte et a l’avantage de donner de la visibilité au scrutin dans l’espace public. Enfin, dans 6,5 % des cas présents, il n’y a pas de vote des habitants, la décision revenant aux instances de démocratie locale.

 

2.3. Plus de la moitié des communes ont adopté les civic tech

 

En 2018, 55 % des collectivités sont équipées de plateformes de participation en ligne civic tech. Ces plateformes sont omniprésentes pour les villes les plus peuplées. Elles articulent le budget participatif et accompagnent l’habitant, du dépôt au vote en passant par l’information, sur les projets déposés et ceux déjà votés et en cours de réalisation.  Le choix d’utiliser une plateforme mutualisée a été fait par Montreuil pour réduire les coûts de l’outil numérique et bénéficier en prime des expériences des autres villes sur la mise en place de fonctionnalités. 30 000 euros environ ont été dépensé dans cette plateforme. La plateforme est particulièrement adaptée au modèle horizontal car elle donne à tous les citoyens un égal accès à l’information et à l’action, et celui-ci n’exclut pas l’utilisation des outils numériques, notamment pour le dépôt des projets.

 

37,5 % des communes se tournent vers des solutions numériques plus basiques. Dans ces collectivités, généralement plus petites, le dépôt des projets ou le vote peuvent s’effectuer à l’aide de formulaires en ligne sur leur site ou à l’aide d’outils tiers comme Google Forms. Les projets sont présentés dans des articles sur le site. Il faut aussi signaler que Saint-Denis propose aux habitants de voter par SMS.

 

7,5 % des communes ne disposent d’aucun outil numérique.

 

3.4. Budget participatif horizontal et budget participatif vertical

 

2 modèles peuvent être distingués selon A. Bézard : le modèle pyramidal et le modèle horizontal.

 

Le modèle pyramidal s’appuie en premier lieu sur les instances de quartier de la démocratie locale. Ces instances sollicitent les habitants du quartier ou un public (les jeunes, les aînés…) pour proposer des projets et faire un choix parmi eux. Ce modèle s’inspire de l’expérience originale de Porto Alegre.

 

Le budget participatif horizontal est mis en œuvre désormais par les communes qui ont à cœur d’ouvrir largement la participation, entraînant l’affaiblissement d’un modèle adopté à l’origine pour dynamiser les conseils de quartier. Dans ce fonctionnement, tous les citoyens peuvent prendre part à la décision, de la proposition au vote, et se déroule en six étapes :

  • Choix d’un montant et de critères de sélection,
  • Appel à projets avec ou sans présélection des habitants,
  • Etude et chiffrage des projets par les services municipaux,
  • Campagne de mobilisation par les porteurs pour valoriser leurs projets,
  • Vote des projets – la collectivité s’engage à les réaliser,
  • Concrétisation des projets lauréats.

Le modèle horizontal n’exclut pas la coconstruction, qui peut prendre place avant le dépôt ou la sélection des projets, avec des ateliers en présentiel pour faire émerger les idées ou des journées de présélection des projets via la discussion avec leurs porteurs. La coconstruction apparaît aussi à l’issue du vote. Celui-ci peut être confirmé par les instances de démocratie locale, comme à Metz, ou par un jury. Il peut aussi s’agir d’associer les porteurs à la conception de leur projet, avec les services et en concertation avec les habitants.

 

En 2018, le modèle pyramidal ne correspond plus qu’à 10 % des communes, cependant que le modèle horizontal représente 90 % des budgets participatifs et a essaimé en France à partir de 2014.

 

4.      Montants et projets

 

4.1. Des montants alloués aux budgets participatifs souvent faibles

 

En 2018, selon l’enquête budgetsparticipatifs, Paris ou Rennes ont choisi de consacrer 5 % du budget d’investissement de la ville (Paris : 1% du budget total, 45 euros par habitant, montant par habitant 9 fois supérieur au montant médian ; Rennes : 3,5 millions d’euros, 16 euros par habitant). mais d’autres communes ont des objectifs plus modestes, de 1 à 2 %. La moyenne n’atteint que 8,90 euros par habitant, et le montant médian par habitant est de 4,94 euros (et correspondait à Bourg-la-Reine) : un tiers des villes y consacrent moins de 5 euros par habitant. Le montant médian s’établissait à 9,15 euros en 2016 et à 6,22 euros en 2017. En 2018, il poursuit sa baisse : en moyenne, le montant de 11,83 euros en 2016 a chuté à 8,88 euros en 2017 pour passer à 7,47 euros en 2018. La baisse est de 35,3 % sur deux ans et de 13,85 % entre 2017 et 2018. Seuls Orléans (Loiret) ou Billère (Pyrénées-Atlantiques) ont respectivement triplé et doublé leur montant d’une année à l’autre.

 

A noter le cas de Loon-Plage (Pas-de-Calais) a choisi le système de budget participatif pour faire des économies, c’est-à-dire désigner de manière concertée les projets à abandonner.

 

 

 

Figure 2 – Budget par habitants et nombre de communes

 

Source : Bézard, 2018

 

On peut « s’interroger sur la volonté politique d’ouvrir la décision publique quand le montant par habitant atteint 1 à 2 euros. Cette volonté politique est surtout manifeste dans les villes qui consacrent au budget participatif au moins 10 euros par habitant » (Bézard, 2018).

 

4.2. Les projets financés

 

Les budgets participatifs sont des budgets d’investissement :

  • Le cadre de vie est cité en 1ère position : 87 % des réponses, de la simple pose de bacs à fleurs à l’aménagement d’une place.
  • En 2ème position, 56,5 % mentionnent la nature en ville et l’agriculture urbaine, de la création d’un espace vert aux jardins partagés en passant par les potagers au sein des écoles ou les ruches urbaines, arrivent.
  • En 3ème position, les catégories transports et déplacements et les sports et loisirs sont cités par 45,65 % : aménagements cyclables ou piétonniers, aménagements pour la sécurité routière, par exemple des casse-vitesse et des radars pédagogiques et vont, dans le domaine des sports,
  • En 4ème position, 43,48 % des répondants portent sur l’équipement sportif et de l’espace public (parcours sportif, parcours de santé…)

Le partage des usages dans l’espace public est plus accentué dans les métropoles avec la création de tiers-lieux participatifs (fablabs, coworking, agriculture urbaine…) et des projets plus avant-gardistes, tels les frigos partagés. On note aussi le développement des projets de solidarité, liés à l’économie, au numérique… Ces projets peuvent alors être confiés à des tiers pour leur fonctionnement.

 

5.      Problèmes et difficultés

 

5.1. L’absence des classes populaires

 

Les participants au budget participatif cherchent avant tout à améliorer leur cadre de vie. Le budget participatif a été créé à Porto Alegre par une volonté politique de justice sociale et de de réorienter les ressources publiques vers les plus démunis ou les quartiers défavorisés. Or, en Europe, « leur mise en place ne s’est pas traduite par une ‘inversion des priorités’ comme dans le cas de Porto Alegre » selon J. Talpin, (2008) qui cite cette réponse d’un militant sévillan : « Quand j’ai commencé à participer [au budget participatif], je pensais faire la révolution, et je me retrouve à m’occuper du nettoyage des rues. ». « Real decisions about real money » : « De l’argent pour vos décisions », slogan du budget participatif de Chicago, le premier apparu en Amérique du Nord, visait à convaincre les classes populaires de participer. Or, en Europe, on constate l’absence de critères de justice sociale dans le processus et la non présence des classes populaires aux réunions met en exergue la question de l’appropriation de la sphère publique par les classes moyennes qui s’y investissent (Nez, 2013). La ville de Paris oriente toutefois un tiers de ses projets vers les quartiers populaires, et parmi les projets parisiens figurent des équipements pour les personnes sans domicile fixe ou les migrants.

 

5.2. La nécessité d’investir dans les moyens humains

 

La méthodologie reposant principalement sur une plate-forme numérique qui sert de boîte à idées, souvent individuelles, sous-estime l’investissement dans les moyens humains. « Le travail de terrain, pour écrire les projets, mettre en débat les besoins contradictoires et définir les nouveaux biens collectifs, devrait pourtant être au centre de la démarche. Le budget participatif peut contribuer à former de meilleurs citoyens, mais cela ne se fera pas sans éducation populaire » (Pradeau, 2016).

 

5.3. Le risque d’une compétition malsaine entre associations

 

Le « budget participatif pourrait se transformer en une compétition malsaine entre associations, dépendant du carnet d’adresses de chacune et de leur capacité à faire campagne, quelle que soit l’utilité des projets. Ce risque de bourrage d’urnes existe d’autant plus en France que certaines villes ont opté pour un vote électronique permettant aux gens s’ils le veulent de pouvoir voter plusieurs fois. Dans le meilleur des cas, comme à Grenoble, la méthode permet au contraire d’envisager une citoyenneté augmentée : des débats sont organisés durant la semaine de vote, on doit obligatoirement voter pour différents projets et on utilise des urnes physiques pour ce vote qui ne peut avoir lieu qu’une seule fois, puisqu’on vérifie l’identité du votant. En écoutant les débats, les personnes font un choix plus éclairé puisqu’elles connaissent l’ensemble des projets avant de se prononcer » (Pradeau, 2016).

 

5.4. Une portion mineure du budget

 

Le budget participatif reste cantonné « à une portion mineure du budget. Cet arbre cache une forêt de décisions prises par les élus sur des politiques publiques plus structurantes. En réduisant le budget participatif à l’embellissement de la ville, on réduit la portée politique du dispositif, qui permettrait de changer les priorités budgétaires vers des besoins plus fortement ressentis par la population » et « le budget participatif devra de plus s’échapper de la tendance à limiter en France aux questions d’investissement. Il est impossible de résoudre les problèmes du chômage ou de la réduction des inégalités de santé ou dans l’éducation sans discuter des dépenses de fonctionnement » (Pradeau, 2016).

 

5.5. La nécessité d’intégrer le cadre intercommunal

 

Les projets en lien avec le cadre de vie font progressivement des intercommunalités des parties prenantes du programme, car les compétences techniques appartiennent de plus en plus aux intercommunalités (ainsi, Les compétences de la voirie et de l’éclairage alors transférées représentent environ 40% des projets présentés au budget participatif. Aussi les villes qui s’engagent devront associer les intercommunalités.

 

Références bibliographiques :

 

Bézard A., 2018, Budgets participatifs : la nouvelle promesse démocratique?,  

https://jean-jaures.org/nos-productions/budgets-participatifs-la-nouvelle-promesse-democratique

Dias N., 2013, Esperança Democrática – 25 anos de Orçamentos Participativos no mundo, In Loco,

Nez H., 2013, « Les budgets participatifs européens peinent à lutter contre la ségrégation », Mouvements.

Pradeau G., 2016, Les budgets participatifs, Démocratie contributive : une renaissance citoyenne – Tribune Fonda N°232, https://fonda.asso.fr/ressources/les-budgets-participatifs

Sintomer Y., Herzberg C., Röcke A., 2008, Les budgets participatifs en Europe. Des services publics au service du public, La Découverte.

Talpin J., 2008, L’implication des classes populaires dans les budgets participatifs, Contretemps.

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