Changer de cap

Janvier 2022 : premiers constats

Le Collectif Changer de cap a été alerté par ses membres au contact des populations précaires, du développement de pratiques de plus en plus déshumanisées et discriminatoires des organismes publics, notamment des CAF, et à la multiplication des contrôles ciblés. Télérama a publié en octobre 2021 un article montrant la mise en place d’un vaste algorithme de la CAF pour dépister les fraudeurs et limiter les dépenses publiques. En décembre, La Quadrature du Net a dénoncé des pratiques similaires à Pôle emploi dans un article intitulé Dématérialisation et contrôle social à marche forcée

Les premiers constats sont les suivants :

Pas moins de 1000 données seraient consignées par allocataire, pour 13 millions de foyers représentant 30 millions de personnes, c’est-à-dire près d’un Français sur deux. Ces procédures, qui instaurent un contrôle social total sur la population, posent question au regard de nos droits fondamentaux et sont alarmantes par rapport à l’éthique de nos services publics.

Ces contrôles automatisés sont permis par le datamining, c’est-à-dire le croisement des données lié à l’interconnexion des fichiers administratifs (impôts, Pôle emploi, éducation nationale, police, justice, etc.) et à l’extension du droit de communication, qui donne aux agents de la CAF, à l’insu des personnes, l’accès aux comptes bancaires, aux factures d’électricité, les informations des employeurs, etc. 

Ces données sont compilées et utilisées selon un agencement qui n’est pas rendu public pour « profiler » les familles et établir un score de risque, c’est-à-dire leur probabilité d’être fraudeuses. Les algorithmes déclenchent des contrôles quasi-automatiques, ciblés sur les populations les plus précaires, souvent des femmes seules avec enfants, des chômeurs, des personnes handicapées, des populations d’origine étrangère, en soumettant certaines  à un véritable harcèlement.

La CAF elle-même annonce plus de 32 millions de contrôles automatisés en 2020, permettant de récupérer 828,8 millions d’euros et de réaliser 285,7 M€ de rappels. Cela correspond à une moyenne de 16€ par contrôle pour les sommes récupérées, ce qui montre bien le caractère disproportionné du dispositif mis en place. Dans la plupart des cas, ni les contrôles ni les décisions ne sont motivées. Les sanctions ne sont même pas toujours notifiées.

Cette puissance d’investigation n’est utilisée ni pour détecter les fraudes « employeur » aux cotisations sociales, qui représentent 17 milliards d’euros, ni pour instaurer pour tous un accès automatisé à leurs droits sociaux, parfaitement possible en inversant la logique du système, alors que 7 à 10 milliards d’aides ne sont pas distribuées aux ayants-droits du fait de leur manque d’information, de la complexité des procédures ou de l’obligation de passer par le numérique – 17% de la population française sont concernés par l’illectronisme.

[+] “La politique de prévention et de lutte contre la fraude des CAF en 2020” – Dossier de presse de la CNAF, juin 2021

[+] Comparatif de la fraude aux aides sociales et de la fraude des entreprises : qui sont les vrais tricheurs ? (site Aide-sociale.fr)