5.1. Reconstruire les services publics comme des Communs
Il est nécessaire de reconstruire les services publics. Ceux-ci ont été soigneusement démantelés à travers les orientations calamiteuses du New public management, qui a institutionnalisé la privatisation de l’action publique en France et dans de nombreux pays. État, collectivités, services publics, écoles, hôpitaux, fondations, associations, citoyens, rien ne semble pouvoir échapper au managérialisme instauré par la loi de 2001, votée sous les auspices de Lionel Jospin. Les motivations basées sur l’éthique du service public sont remplacées par des incitations financières et un objectif de diminution des coûts. La puissance publique n’est plus tenue d’assurer des fonctions collectives au nom des principes de liberté, d’égalité et de fraternité, mais de remplir des missions avec des objectifs de performances mesurables par des indicateurs de résultats. Concrètement, la technocratie européenne et le ministère des finances prennent les décisions essentielles. La légitimité de l’expertise surpasse la légitimité de la démocratie. Apparemment, même pour l’hôpital public, le pouvoir n’a rien appris de la crise sanitaire et économique et ne semble pas avoir renoncé à cet objectif de privatisation généralisée[1].
Il s’agit de rompre avec cette logique de retrouver la voie d’un service public géré démocratiquement comme un Commun, garant d’un nouveau pacte social, en allant vers la gratuité chaque fois que c’est possible.
Une action publique gérée démocratiquement, garante du pacte social.
Abroger la LOLF et la RGPP, qui organisent depuis 20 ans l’affaiblissement de l’action publique, et débat public et démocratique, et de CAP 22 qui parachève la privatisation de l’action publique. Loi instaurant une action publique gérée démocratiquement, garante du pacte social, répondant aux besoins de la population. | Appel commun. « Plus jamais çà » A lire ici Il s’agit de rénover l’action publique en inventant les outils, l’organisation, les métiers du secteur public de demain, avec des délibérations collectives valorisant bien davantage les citoyens et leurs compétences L’initiative commune) |
Réforme radicale des modes de gestion, d’orientation, formation des cadres
Refondre la scolarité de l’ENA et l’organisation des Grands corps pour les remettre au service de l’intérêt général Allonger la durée d’engagement (15 ans au lieu de 10), interdire le rachat de la “pantoufle” par les entreprises ou par les individus eux-mêmes, interdire toute forme de réintégration dans la fonction publique des fonctionnaires qui auraient décidé de la quitter – tout au moins à des postes comportant l’exercice de responsabilités exécutives. | Dominique Bourg et alt. Propositions pour un retour sur Terre. A lire ici |
Scinder le ministère de l’économie et des finances en plusieurs entités distinctes, comme c’était le cas auparavant, et redéfinir la procédure budgétaire afin de de redonner un pouvoir équilibré aux ministères techniques par rapport au ministère des finances.
| De manière à renforcer la légitimité des agents de la fonction publique d’État au regard de la population dans son ensemble, et de les attacher aux destinées du pays, « Bercy » est devenue aujourd’hui un véritable État dans l’État, piloté par l’inspection des finances et l’aristocratie financière également à la tête des multinationales, qui est capable d’imposer ses vues au pouvoir politique. Il n’y aura pas de réorientation de l’État sans une réforme profonde de ce bastion du capitalisme financier. |
Recentrer la police sur des valeurs républicaines, par un important travail de formation, de réorientation et une réforme de l’encadrement | Voir par exemple : Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur en 2000, Déontologie républicaine et rénovation des relations sociales et hiérarchiques au sein de la police A lire ici |
Reprendre le contrôle public des entreprises du secteur de l’énergie, des services et des réseaux
Reprendre le contrôle public des entreprises du secteur de l’énergie, des services (collecte des déchets), des réseaux d’eau et de télécommunications afin de mettre leurs activités au service de la reconstruction écologique et sociale, de façon plus démocratique, sous contrôle des citoyens. Cette prise de contrôle peut être une nationalisation, mais peut également consister en un changement des règles, des normes et des modalités de gestion, orientés vers l’usage.
| Gilets jaunes. Le vrai débat. Voir ici Comment Paris a repris le contrôle de son service public de l’eau Voir Bastamag
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Nationaliser sans indemnisation les sociétés d’autoroutes et les entreprises qui tirent abusivement parti des contrats qui leur ont été consentis, | Gilets jaunes. Le vrai débat. Voir ici Paul Cassia Renationaliser les autoroutes n’est pas nécessairement coûteux, A lire ici |
Mettre fin au démantèlement des services publics de proximité
Mettre fin au démantèlement des relais locaux des services publics de proximité, y compris des services de santé à travers des plans locaux de développement des services publics articulés avec des projets de territoire élaborés démocratiquement | Gilets jaunes. Le vrai débat. Voir ici |
Réaménager le territoire en services de proximité
Débat démocratique associant la population pour déterminer les besoins en services publics, maternités, hôpitaux, collèges, etc. afin d’assurer l’accès des territoires et des populations aux services publics essentiels, considérés comme des Communs, dans le cadre des projets partagés de territoires | |
Droit à l’accès aux services publics, eau, gaz, électricité, transports, cantines,… opposable, et gratuité de certains services publics de base (transports collectifs, etc.)
| Manifeste de Convergence services publics A lire ici Agir pour rendre le droit à l’eau effectif Fondation Danielle Mitterrand Voir ici |
Réaménager les territoires urbains (quartiers) et ruraux pour maintenir et réimplanter des services publics de proximité (Postes, perceptions, maternités et hôpitaux de proximité, gares, guichets, transports, collèges,…) afin de disposer d’une gamme cohérente de services publics au niveau des bassins de vie. | |
Développement de services communs de covoiturage, transports à la demande, location de voitures | Les Jours heureux Re)créer une urbanisation de convivialité, Voir ici |
Des Communs gérés démocratiquement
Faire rentrer les citoyens dans la gestion de tous les services publics à travers des comités d’usagers, ayant pour finalité l’instauration des Communs Repenser collectivement la reconstruction et la modernisation des services publics, notamment santé publique, éducation, recherche publique, service public de la dépendance, sous le contrôle des citoyens Revenir à la notion « d’usager » à la place de « client », stabiliser les tarifs, notamment ferroviaires, instaurer la gratuité pour certains services, (ex des transports urbains à Dunkerque) | On peut pour cela s’appuyer sur la Charte de Bologne, par laquelle 150 villes organisent la participation citoyenne sur la base d’un règlement pour l’administration partagée et d’un principe de subsidiarité citoyenne active qui doit devenir constitutionnel Voir ici l’article de l’Encyclopédie du DD sur la charte de Bologne |
Changer les finalités et les statuts de la Poste, de la SNCF, d’EDF, etc. pour les remettre au service de l’intérêt général et donner un poids déterminant aux usagers, restaurer le rôle de service public de leurs agents. Titulariser des nombreux vacataires, contractuels indéfinis, etc. et revaloriser les carrières et les salaires des « premiers de corvée » Remettre à plat le cahier des charges des entreprises privées assurant des services publics | Références ? |
[1] Didier Minot, 2019, A quoi sert la philanthropie ? Éditions Charles Léopold Mayer, p. 150