Changer de cap

Une large mobilisation dès la sortie du confinement, condition d’une nécessaire révolution sociale et écologique

Lors de sa dernière allocution, Emmanuel Macron a rompu avec son arrogance libérale et admis quelques insuffisances et erreurs. Il a annoncé la réouverture des écoles et des crèches le 11 mai, mais son allocution a été suivie de déclarations contradictoires des ministres, semble-t-il pris de court. Face à l’improvisation et l’impréparation du déconfinement, le 11 mai est loin d’être acquis. Selon le président du conseil scientifique, le confinement annoncé ne pourra se faire que si un certain nombre de conditions sont remplies (masques, tests, traçage des nouveaux cas, etc.), ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. La véritable préoccupation du gouvernement semble être de libérer les parents pour qu’ils reprennent le travail au plus vite, « quoi qu’il en coûte », y compris en risques à venir pour la santé et les vies.

Des bons mots mais pas d’inflexion dans la ligne néolibérale

On assiste depuis un mois et demi à un cafouillage incroyable des premiers de cordée. Les mensonges se succèdent pour masquer les conséquences de la gestion aveugle et bureaucratique imposée par les dogmes néolibéraux. Comme le dit David Graeber, « toute réforme pour réduire le rôle de l’État a pour effet ultime d’accroître le nombre de réglementations et le volume total de paperasses ». 

Le gouvernement ne conçoit même pas qu’il soit possible de remettre en cause les règles imposées aux services publics.

On manque toujours cruellement des masques et les tests, mais le gouvernement se refuse à réquisitionner les entreprises textiles ou les laboratoires vétérinaires. La règle d’or reste, pour les entreprises, les cliniques privées et les assurances de « recommander », d’en appeler à leur « modération » et à leur « responsabilité » sans les contraindre. L’engagement sans limite concerne les travailleurs de base mais pas les détenteurs de capitaux. Pour eux, le ministre du budget lance une honteuse campagne de dons mais pas d’augmentation de salaires ni de postes. Là aussi de bons mots mais pas d’inflexion dans la ligne néolibérale ou plutôt si : une accélération utilisant la stratégie du choc.

En face, le pays tient debout par l’engagement des  « premiers de corvée » et la solidarité responsable

On manque toujours cruellement des masques et les tests, mais le gouvernement se refuse à réquisitionner les entreprises textiles ou les laboratoires vétérinaires. La règle d’or reste, pour les entreprises, les cliniques privées et les assurances de « recommander », d’en appeler à leur « modération » et à leur « responsabilité » sans les contraindre. L’engagement sans limite concerne les travailleurs de base mais pas les détenteurs de capitaux. Pour eux, le ministre du budget lance une honteuse campagne de dons mais pas d’augmentation de salaires ni de postes. Là aussi de bons mots mais pas d’inflexion dans la ligne néolibérale ou plutôt si : une accélération utilisant la stratégie du choc.

En face, le pays tient debout par l’engagement des  « premiers de corvée » et la solidarité responsable

En face, le pays tient debout par la conjugaison de deux engagements :

Les « premiers de corvée », c’est-à-dire les soignants, les travailleurs de la chaîne alimentaire, les services publics, etc., se dépensent sans compter et prennent des risques pour leur santé (1600 personnels de l’APHP infectés). Beaucoup avaient participé au mouvement des Gilets jaunes, aux grèves dans les hôpitaux et à la lutte contre la réforme des retraites.

– face à une forme punitive de confinement, des millions de personnes multiplient les gestes de solidarité et d’entraide. Face à la carence des masques les ateliers citoyens se multiplient, de même que les circuits courts, l’expression artistique et musicale, etc.

Ces actions ne remplacent pas la colère, toujours présente ni les « manifestations confinées ». Alors que paradoxalement le confinement devait casser toute dynamique sociale, celui-ci s’est traduit par une émergence citoyenne tous azimuts, comme en témoigne le succès de la plainte en justice de 600 médecins contre Edouard Philippe et Agnès Buzyn, qui a recueilli plus de 500 000 signataires (40% de la pétition ADP). Ces multitudes actions constituent le socle d’une remise en cause du productivisme et du capitalisme, de la recherche de profits sans limites au détriment de l’humain et de notre écosystème. D’après le Parisien, les renseignements généraux redoutent « une radicalisation de la contestation sociale à l’issue du confinement ».

« Que tout change pour que rien ne change ?». Toujours le double discours.

Emmanuel Macron est parfaitement informé de l’extraordinaire mobilisation et de la colère des citoyens. Il a semble-t-il compris que le système est trop profondément atteint pour restaurer le statu quo (ce qui n’est pas le cas de tous ses commanditaires). C’est pourquoi il semble vouloir provoquer dès la fin du confinement un « nouveau Grand débat » associant les forces politiques et syndicales « respectables » pour définir « le jour d’après » sur ces bases, tenter d’arborer une image de rassembleur et masquer sa faillite. Parmi les dirigeants politiques et économiques, certains sont conscients qu’il faut que « Tout change pour que rien ne change ». On trouvera un peu plus loin une série de textes de Jean Tirole, de Dominique Strauss-Kahn, etc. qui à partir de constats plus ou moins lucides proposent des solutions ne remettant pas en cause le pouvoir des détenteurs de capitaux.

Mais dans le même temps le gouvernement fait voter par l’Assemblée une loi de finances rectificative dont l’objectif est de faire repartir l’économie comme avant, sans aucun infléchissement écologique ou social. Toujours le double discours.

Seule notre mobilisation pourra imposer une révolution sociale et écologique et éviter le pire

 

Face à ces manœuvres, notre mobilisation est vitale pour éviter le pire et imposer un autre cours. Elle repose sur une appropriation populaire des enjeux et du débat public, et des manifestations dès que la fin du confinement les rendra possibles. Nous avons vécu trop de choses inacceptables, trop de régressions des droits, trop de mépris, trop de morts pour rien pour accepter un nouveau replâtrage du système. Cette mobilisation s’appuie logiquement sur l’immense dynamique, de responsabilité, d’entraide, de libération de la parole qui s’est produit depuis quelques semaines, et depuis un an sur les ronds-points, dans les cortèges et les groupes citoyens locaux.

Ne leur laissons pas d’avance. Pensons par nous-mêmes le jour d’après pour nous permettre, permettre aux peuples de la Terre de reprendre le contrôle sur nos vies et sur notre avenir. Préparons-nous à maintenir cette mobilisation dans la durée, en inventant de nouvelles formes de résistance, car l’effondrement économique ne fait que commencer. Mais nous sommes optimistes car nous constatons l’appétit, qui est aussi le nôtre, de se renseigner, de comprendre et penser, l’appétit d’agir avec et pour les autres.

Nous sommes également optimistes car nous voyons s’amorcer des convergences importantes dans la réflexion des citoyens, des associations, des syndicats et des forces sociales et politiques. Bien sûr, ces convergences comportent des désaccords et des questions qu’il faut approfondir. On y parviendra, non par la négociation entre organisations, mais avec un grand débat populaire que nous devons amorcer dès maintenant en étant confinés.