Changer de cap

13  mars 2020

Communiqué du Collectif Changer de cap après l’allocution du Président de la République.  

Coronavirus : une crise grave, un révélateur des contradictions, une occasion de changer de logique

Face à l’épidémie de Coronavirus qui frappe la France et aussi le monde, Emmanuel Macron a annoncé un changement radical d’orientation en déclarant que la santé « est une priorité absolue de la nation », que nous devons « interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties ». 

Ces propos sont à la mesure de la gravité de la double crise sanitaire et financière, désormais mondiales. Ces deux crises majeures s’ajoutent à la crise sociale et démocratique provoquée par la conversion forcée au néolibéralisme imposée par le pouvoir depuis 3 ans. Nous devons aussi dans ce moment difficile encourager et participer à la solidarité des uns envers les autres. Mais cette épidémie constitue un révélateur des contradictions du système.

La place de la confiance.

Face à une situation où il s’agit de la santé et de la vie de nos concitoyenne-s, il est nécessaire d’agir tous ensemble à court terme. Peut-on faire crédit au Président de la République quand il affirme « Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. » et parle de confiance et d’unité de la nation ? La confiance nécessite qu’au-delà des mots les mesures traduisent dans les faits la réalité des intentions. Elle repose aussi sur le contrôle et la participation de tous et toutes, à tous les niveaux. Comment aller dans ce sens sans redonner vie à la représentation nationale, sans changer des institutions favorisant les excès du pouvoir, sans donner la parole au peuple et l’écouter ?

Sur la santé et l’hôpital.

 Emmanuel Macron affirme aujourd’hui que « la santé n’a pas de prix », et rend hommage au « dévouement du service public de la santé ». Mais les gouvernements successifs ont fermé des dizaines de milliers de lits et des hôpitaux, au nom d’une logique de privatisation qui pousse les hôpitaux à s’endetter, à subordonner la médecine au management, au détriment de la qualité des soins. Contre elle, le monde de la santé, du chirurgien à l’aide-soignant en passant par l’urgentiste, sont en lutte et en grève depuis de longs mois. Les personnels hospitaliers n’attendent pas du chef de l’État une reconnaissance par des mots, mais la satisfaction de leurs revendications dans les plus brefs délais. Or Emmanuel Macron n’a fait aucune proposition à la matière : aucun chiffre, pas de création de nouveaux lits ni de déblocage de postes ou de financements, pas de réponse à la contestation de la gestion managériale des hôpitaux au détriment de la santé, pas de prime exceptionnelle pour des personnels sont totalement mobilisés pour faire face à l’épidémie. Aucune mesure de réquisition des très rentables cliniques privées et font pourtant partie du système de santé. Mais seulement la nécessité de « libérer des lits » et de différer les opérations non urgentes.

Nous voulons, nous aussi, féliciter tous les personnels de santé qui s’engagent courageusement et sans compter pour lutter contre l’épidémie. Comme ceux et celles d’EDF, des directions de l’équipement… ils montrent qu’on peut compter tous les jours et en cas de coup dur sur le service public. Ceci permet de mieux souligner qu’il est dangereux d’en restreindre le périmètre et les moyens. Nous savons bien que le service public et les protections sociales jouent un rôle d’amortisseur en faveur de l’égalité et la justice.

Sur la fragilité du système.

 Les économies occidentales ont pris brusquement conscience qu’elles étaient complètement dépendantes de la production industrielle chinoise lorsque celle-ci s’est en partie arrêtée. La désorganisation des échanges et la baisse des prix du pétrole ont entraîné une crise boursière de grande ampleur, avec deux krachs boursiers successifs. Le CAC 40 a perdu 12 % dans la seule journée du jeudi 12 mars, après avoir déjà perdu 12 % au cours de la semaine précédente, (pour reprendre 6% le 13 mars). Sur cette question aussi le Président a annoncé vouloir changer. Il a critiqué l’insuffisance des mesures de la Banque centrale européenne face à l’effondrement des bourses et au crash financier, affirmant la nécessité d’un « plan de relance national et européen ambitieux ».

Des investissements publics massifs sont effectivement nécessaires relancer l’activité, mais pas dans des grands projets inutiles ni de nouveaux cadeaux aux multinationales. Ces investissements doivent préparer l’avenir, et pour cela amorcer une véritable transition écologique et énergétique avec la fin du nucléaire et un grand plan de transition énergétique avec l’isolement thermique des habitations et bâtiments, reconstruire le service public, relancer une recherche publique indépendante des financements privés, le développement de transports publics gratuits partout, etc. Les gilets jaunes et les mouvements citoyens ont fait il y a un an des propositions convergentes pour amorcer un véritable changement de cap[1].

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Sur les inégalités.

La gravité de la crise sanitaire et financière exige une série de mesures sociales d’urgence qui n’ont pas été annoncées par Emmanuel Macron Les chomeurs, les mal-logés sont en première ligne, et encore plus ceux qui vivent dans la rue.. La mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage va générer une terrible réduction des droits des indemnités pour des centaines de milliers de chômeurs. Elle doit être immédiatement annulée. De même, comment peut-on plaider pour l’unité nationale tout en maintenant la réforme des retraites massivement rejetées par la population ?

En matière économique

Ill est effectivement nécessaire d’agir immédiatement pour soutenir l’économie. Mais les mesures d’urgence doivent aller en priorité aux entreprises sous-traitantes et aux PME, qui sont les premières victimes de la contraction subite des activités, et en assurant aux salariés le maintien de leurs emplois et de leur salaire. Or le président a annoncé que le report voire la suppression des cotisations sociales des entreprises concernerait « toutes les entreprises, quelles que soient leur taille ». Cela veut-il dire que l’on va compenser la baisse du prix du pétrole pour la multinationale TOTAL ?

Dans le domaine des libertés.

Les épidémiologistes nous disent que la fermeture des écoles, la suppression des manifestations sportives et syndicales, les restrictions de circulation dans les zones les plus touchées sont des mesures de prévention nécessaires. Mais il nous faut être vigilants, car celles-ci s’inscrivent dans la continuité des restrictions, parfois inscrites dans la loi, que nous dénonçons sans relâche. Il est légitime de les limiter certaines libertés pendant une période de crise, mais à condition que cela soit temporaire et délibéré collectivement. C’est pourquoi nous rappelons avec force la proposition déjà faite d’associer le peuple et ses représentants aux décisions et au suivi de leur exécution. Le Président a dit que «  beaucoup des décisions que nous sommes en train de prendre, nous les garderons ». Bravo si cela concerne le service public, pas question si cela s’applique à nos libertés.

Au niveau local, d’innombrables collectifs citoyens

Issus des Gilets jaunes ou d’associations citoyennes, ils ont suscité de nombreuses listes citoyennes pour les municipales et travaillent déjà à la résilience et l’autonomie des territoires (et non leur autarcie). L’impasse où se trouve une économie-monde totalement interconnectée légitime leur action. Cette autonomie n’est pas celle des ghettos des riches mais va de pair avec le renforcement de la justice sociale, des solidarités, d’une rupture face au changement climatique. Comme à Brengues, commune à énergie positive grâce à une coopérative citoyenne, à Auriol, où les Gilets jaunes transforment leur moulin à eau en mini centrale hydro-électrique ou à Marseille, où les Mécanos du cœur ont créé un garage solidaire les citoyens construisent déjà l’avenir, comme le montre beaucoup d’autres exemples que vous pourrez lire sur notre site.[2]

La gravité de la crise sanitaire et financière exige une série de mesures d’urgence L’heure est à la lutte commune, unie et solidaire pour limiter l’épidémie, soigner les victimes du virus et aider nos concitoyen-ne-es de tous âges et conditions à surmonter l’épreuve.. Il serait naïf de faire aveuglément confiance aux déclarations Emmanuel Macron.Mais l’épidémie du coronavirus, avec toutes ses conséquences, constitue aussi une opportunité pour changer le système, à condition de formuler clairement d’autres exigences. Seule la poursuite notre mobilisation peut éviter le pire. A Changer de cap, nous voulons en être.

[1] Voir ici la synthèse des propositions ds GJ et mouvements citoyens réalisée en septembre 2019 sur 

2 Voir ici le site changer de cap.net 

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