Lettre n°37 - Janvier 2023

Mobilisons-nous pour une société solidaire

Presque deux millions de personnes étaient dans les rues jeudi 19 janvier pour la première manifestation unitaire contre le projet de réforme des retraites. Naturellement, Changer de cap appelle à participer à la mobilisation. En effet, malgré une opinion à 80 % défavorable à cette réforme, malgré l’unité syndicale retrouvée, malgré son isolement politique à l’Assemblée nationale, malgré la hausse vertigineuse des prix de l’énergie et de l’alimentation et la précarité croissante, Emmanuel Macron a décidé d’engager une épreuve de force, faisant un pari risqué sur la résignation du plus grand nombre et sur nos divisions.

Mais pourquoi donc Emmanuel Macron tient-il tant à cette réforme ?

À plusieurs reprises, il a affirmé sa volonté de réduire les prélèvements obligatoires, « ce pognon de dingues ». Le terme péjoratif « prélèvements obligatoires » est utilisé pour désigner l’ensemble des actions d’intérêt général (investissements, éducation, santé, logement, protection sociale) comme des dépenses inutiles, des coûts qu’il faudrait réduire.

Cet objectif constitue le fondement réel de la réforme des retraites, de la diminution des dépenses de santé, du recul des prestations sociales comme de son inaction climatique. Pour Emmanuel Macron, comme pour les milliardaires et les néolibéraux qu’il représente, l’action collective et la solidarité coûteront toujours trop cher, et amputent toujours trop les profits. L’action publique est par nature inefficace, la seule liberté qui vaille est la liberté d’entreprendre

Tant pis si le système de santé explose, si des gens meurent dans les urgences, si des milliers de familles se retrouvent à la rue, si la détresse sociale explose. Un bon mélange de promesses en l’air, de diversions politiques et de répression des récalcitrants fera l’affaire.

Partout la même logique

La réforme des retraites prend place dans un ensemble de destructions programmées du système social mis en place depuis 1945, pour les remplacer par des initiatives privées : une nouvelle diminution de l’assurance-chômage, la réforme du service public de l’emploi, rebaptisé France Travail, pour mieux contrôler les chômeurs, la mise sous condition d’activité du RSA, l’euthanasie des services publics par leur asphyxie et leur dématérialisation, pour dire ensuite que « décidément ça ne marche pas » et qu’il faut confier tout ça aux acteurs privés.

Au cours des derniers mois nous avons joué un rôle de lanceurs d’alerte pour dénoncer les pratiques des CAF envers les personnes vulnérables. La même logique y est à l’œuvre . Nous découvrons progressivement que le gouvernement se moque éperdument du sort des plus précaires et qu’il ignore jusqu’à leurs conditions réelles. Son seul objectif est de réduire le volume des prestations, dans une totale indifférence aux catastrophes sociales majeures qui en résultent. Tous les moyens sont bons pour décourager les ayants-droits, y compris la complexité des procédures, la cruauté des contrôles, la déshumanisation par le numérique. Avec ce calcul cynique, la personne humaine n’existe plus, il est « malheureusement nécessaire » d’abandonner à leur sort tous ceux qui sont devenus inutiles pour le système.

Pour une autre vision

En face, nous affirmons une autre vision du monde, faite de solidarité, de responsabilité et de fraternité. Nous réaffirmons la nécessité de l’action collective pour lutter contre le réchauffement climatique, aller vers plus de solidarité et de justice sociale, rétablir les libertés et le droit à l’intimité. Les droits fondamentaux et la démocratie sont encore les fondements de notre société, malgré le hold-up en cours, et doivent être défendus coûte que coûte.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est de faire obstacle à la volonté d’un capitalisme voyou de s’accaparer toujours plus de profits, de contrôler la société par la surveillance et la punition, de s’affranchir des règles de droit. L’enjeu de la bataille qui s’annonce est décisif. Il est à la fois écologique, social, politique et éthique. Ce choix est comparable à celui de 1983, quand le gouvernement Mauroy-Delors a choisi la rigueur et l’abandon des promesses de 1981, fixant pour des décennies la prééminence du marché sur l’action publique.

L’issue de ce combat n’est pas jouée d’avance. Unis et déterminés, nous pouvons gagner. Et cette victoire aura le sens d’un verrou que l’on a fait sauter. C’est pourquoi le combat pour le droit à la retraite doit s’élargir à tous ceux et celles qui luttent pour un système de santé à la hauteur des enjeux, contre la déshumanisation des CAF, la restauration de la solidarité envers les chômeuses et chômeurs : c’est une même société solidaire, démocratique et responsable que nous entendons promouvoir.

Sans titre 2

Un grand merci au dessinateur Allan Barte, qui met ses dessins contre la réforme des retraites gracieusement à disposition pour soutenir la lutte !

Dans cette 37e Lettre

Actus du collectif

Rencontre avec le directeur général de la CNAF : on attend des réponses

Notre collectif accompagné par 4 organisations de lutte contre la pauvreté et de défense des droits (Secours catholique, Fondation Abbé Pierre, ATD Quart-monde, Ligue des Droits de l’Homme) a rencontré le 17 janvier Nicolas Grivel, Directeur général de la CNAF, entouré de ses services, pour lui demander des changements d’orientations majeurs, que vous retrouvez dans le document à télécharger. Celui-ci analyse les irrégularités observées à partir de nombreux témoignages et formule 6 exigences pour remettre l’humain et le droit au cœur de l’action des CAF.

Télécharger le dossier

Les participants ont pris acte de la volonté de dialogue affirmée par Nicolas Grivel lors de cette rencontre et de la reconnaissance à demi-mots d’un certain nombre d’analyses, reconnaissant qu’on peut faire mieux sur la gestion du contentieux, que les allocataires ont besoin de stabilité et de visibilité, qu’il convient de ne pas produire de décisions automatiques et de distinguer l’erreur et la fraude. Nous attendons la concrétisation de ces déclarations d’intention. En revanche, pas de réponse sur d’autres sujets tels que la publication des circulaires internes ou les raisons de la multiplication des contrats avec des prestataires privés.

Le Directeur général a annoncé que des réponses écrites allaient être apportées à nos propositions dans un délai de 15 jours, réponses qui auront un caractère public et nous pourrons diffuser. Nous ne manquerons donc pas de vous faire connaître ses réponses et la suite qui peut leur être donnée.

Guide de défense des allocataires CAF : c’est parti !

Le groupe d’appui aux allocataires a pour sa part entamé le travail de rédaction du Guide de défense, avec la constitution d’une équipe (toujours ouverte) et l’organisation des premières réunions. Il a notamment été acté que le guide dans ses versions web et imprimables sera avant tout pratique et accessible, avec trois grands chapitres : comprendre, se défendre, trouver de l’aide. Le projet est ambitieux dès lors que nous projetons également d’adosser à de guide un site internet composé, entre autres, d’un annuaire, d’un forum et d’une « foire aux questions ».

Si vous souhaitez soutenir financièrement ce projet, il ne vous reste que quelques jours : la campagne de financement prend fin le 31 janvier.

Soutenir le projet

Vie du réseau

Dématérialiser pour mieux régner : stratégies de lutte

Les rencontres du collectif Le Mouton numérique se poursuivent au centre social le Picoulet (Paris 11e, 59 rue de la Fontaine au Roi) sur le thème « Dématérialiser pour mieux régner », qui interroge le rôle des technologies dans les administrations. La soirée du 2 février, à partir de 19h, sera consacrée aux stratégies de mobilisation et de lutte, dans un format international. Elle rassemblera en effet des représentants d’Algorithm Watch (Allemagne), de Platform Burgerrechten (Pays-Bas), de la Quadrature du Net, de Changer de Cap, ainsi qu’une sociologue polonaise.

Les audios des précédentes rencontres de ce cycle passionnant sont disponibles sur le site du Mouton Numérique, de même que les compte-rendu sur le blog d’Hubert Guillaud.

Les Fauchées ne sont pas des cobayes

A Lyon, le collectif de chômeuses, chômeurs et précaires La Brigade des Fauchées combat l’expérimentation de la réforme du RSA dans la métropole – choisie parmi 19 départements et grandes agglomérations. « Nous ne serons pas leurs cobayes » clame l’association dans un communiqué, tout en soulignant que les modalités de cette expérimentation du RSA conditionné à un minimum d’activités sont encore très floues : « Tout se fait dans un mélange de mystère et d’improvisation (…) De quoi redouter une aggravation et une extension de l’humiliation des parcours d’insertion forcée ».

La Brigade des Fauchées est un collectif d’entraide qui tient des permanences les 1er et 3e lundis du mois de 18h à 20h dans le 7e arrondissement de Lyon (La Luttine, 91 rue Montesquieu). Le contact : brigadedesfauchees@riseup.net

L’environnement à Abidjan, c’est du concret

Un tour en Afrique… Le Labis (laboratoire d’innovation sociale) d’Abidjan s’apprête à accueillir, début avril, son premier festival des Films et Documentaires sur l’Environnement. Pour l’association organisatrice La Terre ne trahit jamais joindra comme à son habitude le geste à la parole, grâce à des ateliers « Un environnement protégé pour une jeunesse épanouie » : recyclage de vieux cahiers, de pneus usagers, fabrication de charbon bio, gestion des déchets plastiques, création d’objets déco, fresque du climat… De quoi inspirer les 300 participants attendus, dans un lieu qui s’occupe de l’environnement tout au long de l’année ! On prendra pour exemple les terrasses construites avec des pavés faits maison en plastique recyclé.

Construction d’une terrasse en pavés recyclés « faits maison » au Labis Abidjan (photo Evrard Guei)

Victoires et bonnes nouvelles

A Marseille, L’Après M a ouvert son fast social food

« Le fast-food qui pense aux humains et pas aux bénéfices » pour le journaliste et le photographe de Reporterre, qui se sont rendus dans le quartier de Saint-Barthélémy. « Ils sont l’Après M, ils sont le peuple et ils ont les clés pour le journal La Provence… Mi-décembre, l’inauguration du premier fast social food de la cité phocéenne a été – à très juste titre – saluée médiatiquement. Après plus de deux ans de lutte et de solidarité, les anciens salariés du MacDo, les associations, les bénévoles sont arrivés à bout d’un projet dont l’histoire continue de s’écrire. Les bénéfices dégagés par le restaurant sont redistribués au dispositif d’entraide de l’Après M. Un énorme coup de chapeau et une grande victoire de la mobilisation citoyenne.

N’hésitez à suivre L’Après M sur son site

A Lyon, les chauffeurs font condamner Uber

17 à 20 millions d’euros à verser à 139 chauffeurs : c’est la décision rendue par le conseil des Prud’hommes de Lyon à l’encontre de la société Uber, qui a bien sûr fait appel. Ensemble et en 2020, les chauffeurs lyonnais avaient saisi les Prud’hommes avec un objectif : faire requalifier leur relation avec leur « employeur » en contrat de travail. Une « victoire historique » donc, pour l’Association des chauffeurs indépendants lyonnais (Acil), et une « condamnation inédite en France » selon l’avocat des plaignants. La société américaine devra leur verser dommages et intérêts et/ou indemnisations au vu des divers manquements au Code du travail.

Néonicotinoïdes : non, c’est non !

Y’a-t-il des dérogations possibles à l’interdiction des néonicotinoïdes, puissants insecticides tueurs d’abeilles et autres insectes pollinisateurs ? La réponse de la Cour de justice de l’Union européenne a clairement répondu non le 19 janvier, alors que la France s’apprêtait à reconduire la dérogation accordée aux betteraviers pour la 3e année consécutive. En 2020, face à la menace du virus de la jaunisse et d’une perte importante de rendements, la filière française (mais pas seulement) avait obtenu l’autorisation d’utiliser des semences enrobées de ce pesticide. Dans le même temps, elle s’était engagée, et l’Etat avec, sur un programme de recherche visant à développer des variétés plus résistantes.

Saint-Mandrier-sur-Mer : les habitants ont replanté leur forêt

Bien sûr, il faudra des dizaines d’années pour retrouver la belle forêt qui recouvrait une partie du territoire de Saint-Mandrier-sur-Mer, dans le Var. En juillet 2019, 30 hectares avaient succombé aux flammes. Et ce sont bien les habitants qui se sont retroussés les manches pour replanter leur forêt, comme l’explique un article de la Banque des territoires. Une cagnotte en ligne, un millier de volontaires sur le terrain… avec l’aide des élus et les bons conseils du Comité des feux de forêt et de spécialistes de la forêt méditerranéenne, la replantation a pris la voie du succès. Trois ans après l’incendie, les plants ont repris à 90%, avec des espèces plus résistantes aux incendies que le pin d’Alep, et le couvert végétal a déjà retrouvé des couleurs.

Expériences et initiatives

Quand les Bretons démontrent que l’énergie est un bien commun

Loin de l’image des vastes parcs éoliens craints par beaucoup, les habitants de Béganne, dans le Morbihan, ont pris le taureau par les cornes – ou plutôt le vent par les pales. Partant du principe que le vent appartient à tous, 1 000 citoyens (sur les 1 400 âmes de la commune) se sont organisés pour financer, dès 2014, un petit parc de quatre éoliennes qui aujourd’hui fournit 18 000 mégawattheures par an, en moyenne, soit l’équivalent de la consommation de 6 000 personnes. Deux autres communes ont depuis rejoint ce mouvement pour une énergie citoyenne : 4 éoliennes ont été installées à Sévérac-Guenrouët en 2016, 5 à Avessac en 2017, le tout géré par EPV – Energies citoyennes en Pays de Vilaine. De son côté, le parc Begawatts de Béganne confirme année après année sa viabilité, quand la commune fait chaque année l’économie de plus de 3 millions de litres de pétrole.

Les « déserteurs » ne sont plus seuls

« Donner la parole à celles et ceux qui refusent les jobs climaticides et préfèrent agir pour ne pas sombrer dans le désespoir » : les contributions recueillies par Médiapart dans le cadre du projet Bifurquons ensemble ont débouché sur un eBook gratuit mettant en lumière la cohérence des réflexions et la révolte des jeunes face à l’inaction gouvernementale. L’ouvrage propose aussi des pistes pour affronter les désastres écologique en cours.

Déserter… Bifurquer… et après ? Une autre initiative répond à cette question, celle de l’association Vous n’êtes pas seuls. Elle s’est en effet donnée pour objectif d’accompagner « les salariés souffrant d’une fracture entre leur travail et leurs valeurs », de « créer des passerelles vers les archipels de résistances écologiques et sociales ». 

Contre l’inflation et pour l’environnement, un premier bilan des trains gratuits en Espagne

Depuis le mois de septembre, les Espagnols bénéficient de la gratuité des trains sur les réseaux périurbains et les réseaux régionaux conventionnels, pour leurs trajets réguliers. Pour certains trains à grande vitesse, le remboursement de l’abonnement est pris en charge à 50%. La mesure a été décidée dans un double objectif : aider nos voisins ibériques à faire face à l’inflation et réduire le nombre de voitures sur les routes. Le magazine Reporterre a dressé un premier bilan de ces voyages à 0€, avec ses bons points et quelques bémols. L’expérience espagnole pourrait en tout cas nourrir le débat sur la gratuité des transports en commun en France : le transport routier est responsable de 71% des émission de gaz à effet de serre, le train de 0,4%. Encore faut-il disposer d’un réseau ferroviaire suffisamment dense…

Luttes et mobilisations

L’Affaire du siècle reprend le combat

Devait-on vraiment s’attendre à autre chose ? Au 31 décembre 2022, le constat de l’Affaire du siècle, mouvement qui avait fait condamner l’Etat français pour inaction climatique est clair : les mesures prises sont largement insuffisantes. Or le délai donné par le Tribunal de Paris pour que la France agisse pour limiter ses émissions de gaz à effets de serre a expiré.

Qu’à cela ne tienne, les associations Notre affaire à tous, la Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France reprennent le combat avec un nouvel objectif judiciaire : elles vont demander au Tribunal administratif de Paris une astreinte financière pour forcer l’Etat à (enfin) agir.

La vidéosurveillance automatisée : l’excuse des JO

Vous avez « aimé » le pass sanitaire ? Vous allez « adorer » la vidéosurveillance automatisée, VSA de son petit nom. On parle ici d’une surveillance massive de l’espace public pour détecter des comportements jugés anormaux par… des algorithmes nourris par intelligence artificielle. L’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 est trop belle, la VSA intègre le « Projet de loi olympique » actuellement discuté au sénat. Le Conseil d’Etat ne s’y est pas trompé, qui a estimé en décembre que les mesures de la loi (il y en a 19 en tout) sont appelées à être pérennisée. Pour mieux cerner la question, vous pouvez télécharger le dossier VSA de La Quadrature du Net. L’association appelle à la mobilisation générale contre l’article 7 du projet de loi.

Comprendre et s’informer

Consultocratie ou l’emprise des cabinets de consulting

A partir d’informations fournies par Changer de Cap, le quotidien Libération a mené l’enquête sur les volumineux marchés accordés par la CNAF à des prestataires privés. L’article intitulé « La branche famille de la Sécu attribue 477 millions d’euros à des cabinets de conseil » est paru le 4 janvier. Pour aller (beaucoup) plus loin sur le sujet, et dépasser la face cachée de l’iceberg – à savoir les affaires McKinsey -, une idée de lecture « Consultocratie – Les nouveaux mandarins ».

Ecrit à 8 mains par Audrey Woillet, Eugène Favier-Baron, Adrien Saint-Fargeau et Simon Woillet, l’ouvrage explore les conséquences de l’emprise croissante des multinationales du consulting sur l’Etat et ses services. « Les cabinets de conseil livrant, clés en main, des solutions faussement gestionnaires et réellement idéologiques ne sont pas seulement un problème administratif, ils sont un problème démocratique », écrit Benjamin Morel dans la préface.

Oxfam et les inégalités mondiales : la loi du plus riche

« Depuis 2020, les 1% les plus riches ont capté 63% des richesses produites » : un chiffre édifiant, parmi beaucoup d’autres, que l’on retrouve dans le dernier rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales. Les 61 pages ne se contentent pas de balayer les constats, au premier rang desquels le fait que les milliardaires, de France et d’ailleurs, surfent allègrement sur les crises. L’ONG dresse une série de recommandations, l’augmentation des impôts pour les ultra-riches bien sûr, mais aussi des investissements structurels pour « renforcer notre résilience face aux prochaines crises ».

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