Les 66 propositions pour donner à chacun le pouvoir de vivre : changement de logique ou capitalisme vert ? 

Pour aller vers une justice sociale, fiscale et climatique, de très nombreuses propositions propositions ont été formulées par les gilets jaunes, les mouvements écologiques et les autres mouvements citoyens. Le rapprochement de ces propositions fait le lien entre les revendications immédiates et les réflexions menées dans la durée. Toutes ensemble, ces propositions tracent les contours d’une alternative globale et réaliste à la domination de la finance, dont plus personne ne veut (sauf les financiers), et donnent un contenu plus précis à l’exigence d’un changement de système pour aller vers une transition écologique, sociale et solidaire, plus de justice sociale, de démocratie partagée.

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Cependant, avec la fin du « grand débat », les prises de positions se multiplient. En particulier, « 66 propositions pour donner à chacun le pouvoir de vivre », ont été élaborées à l’initiative de 19 organisations[1] et ont été présenté le 5 mars par Nicolas Hulot et Laurent Berger. Il est important de pouvoir les situer par rapport aux propositions des mouvements citoyens.

On constate un certain nombre de convergences sur des points très importants, qui constituent une rupture avec la fuite en avant actuelle, comme par exemple une limitation des écarts de revenus, la suppression des niches fiscales inutiles, la lutte contre l’évasion fiscale la priorité aux transports collectifs et au fret, à la réhabilitation massive de 750 000 logements, le basculement de la fiscalité carbone, la lutte contre le temps partiel contraint, la révision des grilles de salaires pour aller vers l’égalité hommes femmes, la relance de l’éducation populaire.

On trouve des dispositions, souvent de nature syndicale, qui n’avaient pas été exprimées par les réseaux associatifs et qui sont à reprendre : l’évolution automatique des grilles salariales, la généralisation des accords de qualité de vie au travail, la lutte contre les recours abusif aux contrats courts.

En revanche, ces 66 propositions restent silencieuses sur des questions essentielles : la revalorisation du SMIC et des salaires, le rétablissement de l’ISF et l’imposition des patrimoines, l’abrogation de la loi El Khomri et la restauration du code du travail, l’élargissement du financement de la sécurité sociale à toute la valeur ajoutée, la remise en cause de certaines exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, le maintien des services publics, la fin de l’abandon des quartiers populaires, la mise en place d’une nouvelle constitution, du référendum d’initiative citoyenne et de certaines formes de démocratie directe, la fin du démantèlement de l’État social et des régulations, l’indépendance des médias par rapport aux grandes entreprises, la mise sous contrôle des banques, la sortie du libre-échange et la remise en cause des traités pour aller vers une nouvelle Europe. En résumé, les dispositions qui permettraient de sortir du système et d’aller vers une autre logique de la vie en société ne sont pas reprises.

Cet appel propose un aménagement du système en luttant contre les abus les plus visibles (l’évasion fiscale, les inégalités hommes femmes, l’explosion des écarts de revenus, certaines niches fiscales) et en amorçant un tournant vers un capitalisme un peu plus vert et plus tempéré, qui accorderait une importance plus grande à la rénovation des logements et à la fiscalité carbone déséquilibrée, mais sans remettre en cause la logique du capitalisme financier. Dans le contexte actuel, les convergences sont importantes pour  travailler ensemble à détourner le Titanic. Mais on peut se demander si cela sera suffisant.

Didier Minot

 

[1] ATD quart-monde, la CFDT, la CFTC, la Cimade, la FAGE, France nature environnement, France terre d’asile, la fondation Abbé-Pierre, la fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, Humanité et biodiversité, la Ligue de l’enseignement, le Mouvement associatif, le Pacte civique, les Francas, la Mutualité française, Réseau action climat, le Secours catholique-Caritas, l’Uniopps et l’UNSA